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ANGE DU ROCK N°12 : DAVID BOWIE

  • Photo du rédacteur: Patrice Villatte
    Patrice Villatte
  • 3 sept. 2021
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 sept. 2021


David Bowie chez le coiffeur
© swampfactory@hotmail.com

Le lundi 11 Janvier 2016 est une date que je n’oublierai pas. Ce matin-là, je me préparais pour aller bosser. Sur une radio culturelle, l’info tomba : on venait d’apprendre la disparition de David Bowie décédé la veille. Je ne compris pas immédiatement. Une semaine auparavant, cette même radio avait annoncé la parution de Black Star, son nouvel album. Comme souvent, la radio diffusait sans que j’écoute vraiment et à l’annonce de ce nom fameux, je pensai : « ils exagèrent, ils en ont déjà parlé… » Rapidement je compris qu’il ne s’agissait pas d’un ultime exercice de promotion mais plutôt d’une bien triste nouvelle : un de mes artistes préférés venait de nous quitter.

Puis en y réfléchissant bien je me dis : « Quelle idée de génie d’annoncer sa mort quelques jours après la sortie de son dernier chef d’œuvre. Et si tout ce buzz n’était en réalité qu’une bonne pub, une opération de communication montée de main de maître par Bowie lui-même. » Le timing était trop parfait et très vite je ne crus plus à cette disparition. La suite me prouva que j’avais eu raison de me méfier.


Plusieurs années passèrent lorsqu’un soir ma fille Élise m’appela : « Sais-tu qui je viens de rencontrer ? », m’annonce-t-elle un poil exaltée. Avant même d’avoir pu répondre, elle rajoute « Si tu viens me voir au boulot, tu pourras le rencontrer.


– Mais de qui parles tu ?


– De David Bowie. »


Le lendemain me voici avenue de Flandre dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. J’ai rendez-vous sous la Porte des Flamands et là, stupeur ! Je les vois arriver.


« Papa je te présente David. » Je reste sans voix, ce qui a pour effet de les faire s’esclaffer.

Rapidement et sans chichi Monsieur Jones (son véritable patronyme, bien pratique pour ne pas se faire remarquer) nous propose d’aller chez lui pour mieux discuter.


Notre hôte est un homme de goût et son appartement est rempli d’œuvres d’art toutes plus étonnantes les unes que les autres. Je remarque aussitôt une magnifique bibliothèque bien ordonnée où je devine des éditions rares et quelques trésors oubliés de littératures variées. Détail amusant, au milieu des étagères trône en rouge pétant le livre de John O’Connell, Bowie les livres qui ont changé sa vie.

Nous ne sommes pas seuls, d’autres personnes sont là. Élise fait les présentations pendant que David prépare le thé. Sont présents à ce goûter improvisé le réalisateur et fils de David Duncan Jones, son épouse Rodene, leurs deux enfants et Joakim Ronson, fils de Mick Ronson le guitariste de Bowie période Ziggy Stardust. David est son parrain et s’est beaucoup occupé de lui quand son père est mort. Joakim semble être proche de ma fille, ils ont le même âge, ils se connaissent et visiblement ont des tas de choses à se raconter.


Bien sûr, je voudrais savoir ce qui l’a amené dans ce quartier parisien : David explique qu’il a découvert les Orgues de Flandre dans le film de Cédric Klapisch Le péril jeune.


« Je m’étais renseigné sur l’histoire de cette cité ouvrière transformée en bâtiments modernes par l’architecte allemand Martin Schulz Van Treeck entre 1973 et 1980. Très tôt, j’ai su qu’un jour je viendrai vivre à Paris et quand l’appartement du dernier étage s’est libéré, je l’ai acheté. La terrasse est impressionnante et cet immeuble en gradins rentrants me convient parfaitement. Après Londres, Berlin, New York ou encore la Suisse, je cherchais un endroit où je puisse vivre incognito sans pour autant me cacher et c’est là que j’ai fini par débarquer. »


Élise, très à son aise intervient pour préciser : « David habite dans le même immeuble où l’association pour laquelle je travaille s’est installée et depuis plusieurs mois nous nous sommes régulièrement croisés dans l’ascenseur. Un jour, encombrée par des panneaux d’exposition qu’il me fallait déplacer, David en parfait gentleman m’a aidée et je l’ai invité ensuite à boire un café. Le plus drôle c’est qu’à ce moment-là, je ne savais pas qui tu étais.


– C’est bien pour ça qu’on a sympathisé. Votre fille m’a aussi expliqué son implication à Haïti dans le cadre du festival Quatre Chemins et j’ai trouvé ça passionnant. Tu m’as aussi parlé de ton travail ici dans ce quartier si particulier. Cet arrondissement de combat comme tu l’appelles est absolument formidable. Une architecture futuriste, un mix social enivrant et une population solidaire bien décidée à s’en sortir notamment à travers l’art et les mélanges culturels. J’y ai trouvé une nouvelle source d’inspiration et un nouveau son : Ce n’est plus ma période berlinoise, c’est désormais l’étape parisienne, mais attention le Paris du dix-neuvième, un rock mélangé de feeling oriental et de sons africains. J’ai fait venir Tony Visconti qui nous a trouvé un lieu pour enregistrer.


- Où ? » demande son fils intéressé. David tend le doigt vers le sommet de l’immeuble voisin, la tour Prélude, un des plus hauts immeubles de Paris. « Es-tu sûr de ne pas déranger ? » renchérit Duncan. Éternellement souriant depuis qu’il a décidé d’être heureux, David ne s’inquiète de rien, il est confiant. « J’espère avoir Ponpon, l’ex-trompettiste camerounais de Fela Kuti, son album Cimetière à Lampedusa m’a enthousiasmé et la section rythmique de l’Orchestre National de Barbès devrait aussi participer. La semaine prochaine arrive Mike Garson avec ses claviers puis Earl Slick mon guitariste préféré après ton père bien sûr », rajoute-il en lançant un regard complice à Joakim.


Est-ce un rêve ? Bowie vient de me révéler en avant-première le prochain chapitre d’un parcours artistique exceptionnel. Mentalement je me remémore tous les moments de ma vie passés à l’écouter : Je suis rentré dans l’univers Bowie par la porte du Glam Rock, mais au-delà du look si étonnant, sa musique déjà me fascinait. J’épluchais les crédits des disques, son album de reprises Pin Ups m’a littéralement éduqué, j’avais des avis très tranchés. Le piano magique du fameux Mike Garson dans Aladdin Sane m’apparaissait comme du pur génie et puis il y avait la guitare de Mick Ronson, le Spiders from Mars, le complice argenté dont le départ du groupe m’apparut comme une véritable tragédie. Heureusement Bowie dégota Earl Slick ce jeune américain qui illumina les albums Young Americans et Station to Station, la période du Thin White Duke, ma préférée. Earl était régulièrement rappelé pour remplacer d’autres guitaristes démissionnaires. Imaginer maintenant ce rocker mélanger ses larsens magnifiques aux effluves de Barbès me semble être une riche idée…


Je m’interroge : dois-je lui dire, comme des millions de personnes que j’ai dansé sur Let’s Dance, que la trilogie berlinoise m’a semblée légèrement surcotée, que la pochette de The Next Day fut particulièrement ratée ou encore que son dernier album Blackstar est un disque à la beauté magnifique quoique quelque peu endeuillée. Je voudrais l’interroger sur sa rencontre avec Nina Simone ma chanteuse préférée et sa reprise de Wild is the Wind qui m’a fait tant pleurer. Et quels sont ses souvenirs des sessions avec Stevie Ray Vaughan ? Et avec Robert Fripp ? Et Nils Rogers ? Voit-il encore Peter Frampton ? A-t-il vraiment imaginé un avenir avec Tin Machine ? Je n’ose pas le questionner. Je préfère me couvrir de ridicule en racontant sous le regard navré de ma fille une anecdote mille fois rabâchée : « Savez-vous quand j’ai fréquenté un coiffeur pour la dernière fois ? C’était en 1976. J’avais apporté la pochette du fameux vinyle Station to Station, car je voulais vous ressembler. »


Combien de fans lui ont fait le coup de l’admirateur pantois en lui racontant ce genre de bêtises ? Pourtant Monsieur Bowie réagit amicalement. Intrigué par ma tignasse, il me demande : « Et depuis comment faites-vous ?


– C’est la maman d’Élise qui me coupe les cheveux. Si vous êtes en panne de coiffeur, elle serait très honorée ! » Devant tant de sympathie, je viens de me lâcher sur un sujet capillaire pour lequel David est le maître incontesté, lui qui a tout essayé.

La fin de cette histoire ressemble à un conte de fée. Depuis cette rencontre quand je viens visiter ma fille, je passe voir David. C’est ainsi que lors d’une belle journée ensoleillée, alors que nous étions descendus nous asseoir près du jardin d’enfants au milieu de la cité, nous vîmes Élise et Joakim Ronson main dans la main, enlacés. Face à mon air interloqué, David éclata de rire : « Eh bien très cher ami nous ne sommes pas près de nous quitter ! »

David Bowie dancing with Françoise.

À lire en écoutant : David Bowie Station To Station

 
 
 

1 Comment


Françoise Brunet-Villatte
Françoise Brunet-Villatte
Sep 03, 2021

Danser avec Mister Bowie! Quel Honneur !

Merci et bravo pour ce texte très cool et ces su illustrations

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