ANGE DU ROCK N°51 : ELVIS !
- swampfactory
- 29 sept. 2023
- 14 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 oct. 2023

Chapitre I : Willkommen !
Le corps était allongé face contre terre. Dans la grande pièce vide, je n’avais vu que lui, un cadavre habillé façon Elvis. En retournant délicatement la dépouille et en y regardant de plus près, je découvris un individu de sexe masculin, un type en surcharge pondérale, grand et vieux, que j’estimais à plus de quatre-vingt voire quatre-vingt-dix ans. Comme il avait les yeux encore grand ouverts, je supposai qu’il portait des lentilles. L’une devait être tombée, lui faisant ainsi un drôle de regard avec un œil bleu et l’autre marron. Je remarquai aussi qu’il était coiffé d’une perruque noir de jais, mais la chute de son corps lourd l’avait faite glisser, laissant apparaître des cheveux encore drus, d’un blond passé mélangé de gris. Le plus étonnant restait le costume du défunt : une combinaison blanche sur laquelle était brodé un paon en faux diamants, assortie d’une mini cape, d’un col pelle à tarte gigantesque et de pattes d’éléphant ridiculement surdimensionnées. Par-dessus l’estomac proéminant, une ceinture extra large dorée façon champion de boxe rappelait que le bon goût est une affaire de point de vue. L’ensemble semblait sortir directement des ateliers de Nudie Cohn, le célèbre tailleur américain spécialiste du style cowboy/kitsch/rockabilly. Bizarrement notre bonhomme portait aux pieds non pas une paire de santiags effilées comme on aurait pu s’y attendre mais des tennis à semelle compensée. Probablement qu’à son âge il ne supportait plus d’avoir les orteils coincés. Si ce gars-là était un sosie du King, c’était à s’y méprendre. Pourtant il n’y avait nul mariage à célébrer et Las Vegas était à des milliers de kilomètres. Alors qui était ce type venu mourir au bord du Rhin en pays teuton ? Déjà une question me taraudait : aurait-il été assassiné, peut-être avec un objet contondant, ou par empoisonnement ? Quelques heures auparavant je déambulais le long de la colonne vertébrale de l’Europe rhénane. J’avais quitté Strasbourg par la D468 jusqu’à Lauterbourg situé à l’extrémité septentrionale d’un triangle qui marque la frontière entre l’Alsace à l’ouest, la Rhénanie Palatinat au nord et à l’est le Bade-Wurenberg. Eternel amoureux des fleuves et des rivières, je m’enfonçais en Allemagne, longeant tranquille les berges du Rhin, et cherchant toujours les petites routes me permettant de suivre au plus près les méandres du cours d’eau. J’étais tombé par hasard sur ce bar-restaurant installé sur une sorte de péniche suffisamment grande pour accueillir sur son pont une vaste salle à manger, régulièrement métamorphosée en discothèque. Les clients peuvent s’installer pour consommer frites, saucisses et bières à volonté ou, quand le temps le permet, grimper sur la terrasse pour profiter d’une vue incomparable sur ce que jadis on appelait un égout à ciel ouvert et qui depuis quelques années est redevenu le fleuve majestueux et rêvé de Victor Hugo qui « charrie aussi bien les idées que les marchandises ». En passant la passerelle j’avais remarqué à côté de la carte des menus une affichette qui indiquait : « Elvis hier im konzert, keine reservierung erforderlich ! » Aussitôt je souriais intérieurement en pensant à mon copain J.Y. qui s’était imaginé un jour voir les Rolling Stones en concert dans un petit bled charentais, n’ayant pas compris qu’il s’agissait d’un tribute band et non pas des originaux. À n’en pas douter, ici cela ne pouvait être qu’un sosie et il était inutile de réserver. En rentrant dans la salle je compris immédiatement que la soirée annoncée n’allait pas pouvoir se dérouler comme prévu.
Chapitre II : Erreur sur la personne Me confondre avec un flic ! Je n’aurais jamais cru cela possible et pourtant c’est ce qui se produisit. Aussitôt à bord je fus assailli par madame Heimat, une femme d’âge mûr, grassouillette à souhait, engoncée dans une robe datée, blonde par nature et passablement surexcitée. Je mis plusieurs minutes à comprendre à qui j’avais affaire et pourquoi elle m’appelait monsieur l’inspecteur. La tragédie venait d’avoir lieu, elle avait aussitôt appelé la police et quinze minutes plus tard, je débarquais. La tôlière ne m’avait pas laissé le temps de me présenter. Pour elle aucun doute, j’étais policier. Son débit vocal était tel que pas un instant je ne pus contredire cette furie, je ne pouvais que l’écouter.
« Comme chaque semaine depuis plus de vingt ans Herr Elvis vient nous honorer de sa présence et chanter quelques-uns de ses succès. C’est un gentleman qui a ses habitudes. Il arrive toujours en costume de scène, change de chewing-gum, demande un coca avec paille puis glisse un cd dans la sono et, sur des versions instrumentales, nous régale de sa voix légendaire de baryton jamais égalée. Il faut que vous sachiez que le dimanche, ici, c’est dancing et que nous somme équipés. C’est un public de fidèles et de gens bien élevés. Ce soir ils étaient peu nombreux. Je leur ai demandé de ne rien toucher et de rester à votre entière disposition. J’ai vu suffisamment d’épisodes de l’inspecteur Derrick à la télévision pour savoir comment cela doit se passer. Maintenant que vous êtes arrivé, rajoute-elle à bout de souffle, en s’effondrant dans un canapé, à vous de mener l’enquête et de trouver qui l’a tué. »
Comptant sur l’incompétence de la vraie police qui devait encore chercher sur le GPS l’adresse de cette gargote oubliée, je me dis que c’était là une belle occasion de la jouer façon commissaire Maigret plutôt qu’à la manière de Horst Tappert, l’ancien Waffen-SS de mes deux…
« Il nous faut d’abord identifier la victime. Comment s’appelle ce sosie de… »
Que n’avais-je pas dit ! Telle une folle Frau Heimat se releva d’un bond et s’écria : « Ce n’est pas un sosie, c’est monsieur Presley ! » Devant ma perplexité le moulin à parole s’emballa à nouveau. « S’il y a encore des imbéciles qui pensent qu’il est mort le 16 aout 1977 à Memphis, ici au bord du Rhin nous savons bien qu’il n’en est rien. Elvis est bien vivant, enfin jusqu’à maintenant ! s’écria-t-elle sur un ton désespéré en montrant du doigt le corps inanimé. Vous ne devriez pas douter. Tous les indices concordent : son âge, il est né le 8 janvier 1935, sa taille, son poids, bien que ces dernières années il avait perdu quelques kilos, la couleur de ses yeux. Savez-vous pourquoi Elvis avait ce regard étrange ? Non ? Il ne portait pas de lentilles, il était touché par une hétérochromie ! Oui monsieur ! Enfin tous les fans savent qu’Elvis se teignait les cheveux. Enfant il était blond. Cela ne constitue pas un crime de vouloir changer de coiffure. D’ailleurs c’est moi qui lui ai recommandé de mettre une perruque, ajouta-t-elle en rectifiant sa propre moumoute. Et puis sa voix, personne ne peut s’y tromper, même un sourd reconnaitrait cette façon inimitable de chanter. Savez-vous en quoi constitue son show ? Les sosies du monde entier interprètent ses plus grands tubes mais pas lui. Monsieur Presley n'est pas un nostalgique, il reprend sa carrière là où il l’a interrompue en chantant exclusivement et intégralement ses deux derniers disques From Elvis Presley Boulevard, Memphis Tennessee et Moody Blue. Il nous offre les morceaux qu’il a enregistrés en février 76 à Graceland. Il ne voulait plus se déplacer et RCA avait dû installer un home-studio pour recevoir le génial TCB Band, son meilleur groupe dirigé par James Burton, un guitariste fidèle et dévoué. En six jours ils mirent sur bande suffisamment de chansons pour deux albums. Ce furent ses derniers.
– Mais ce sont ses albums les plus plombés ! Un véritable mur des lamentations ! Le testament crépusculaire d’un roi déchu qui n’en a plus pour très longtemps, osais-je rajouter en lui tendant une serviette en papier.
– Hiii-Hiiii, effectivement, mais ce sont ceux qui me font le plus pleurer, me répondit-elle, son nez ne cessant de couler. Snif-Snif, cette pimbêche de Priscilla venait de le quitter et Elvis était bouleversé. Toutes ces magnifiques chansons parlent d’amour trahi, de solitude et d’un homme abandonné. Bouh ! Ah si j’avais été là, j’aurais su lui faire oublier cette mijaurée. Mais Elvis n’a pas tout dit, il va revenir pour tordre le cou à tous ceux qui ont osé le traiter de patapouf drogué, et démentir toutes les rumeurs et toutes les bêtises que l’on a pu écrire sur lui depuis toutes ces années. Il va à nouveau triompher, ajouta-t-elle, répandant un torrent de larmes et s’abandonnant dans l’excès de sa douleur. Visiblement elle ne se rendit pas compte de l’absurdité de ses propos désormais déplacés.
– Mais si c’est vraiment Elvis, que faisait-il là ?
– Je vous le répète, s’il s’agissait de l’un de ses imitateurs minables, il nous aurait chanté ses classiques, des versions ratées de Heartbreak Hotel, Jailhouse Rock ou Love Me Tender. Au lieu de cela monsieur Elvis préparait son retour et voulait renouer avec le succès.
– En Allemagne ?
– Pourquoi pas ! répondit-elle sur un ton excédé. Il avait gardé d’excellents souvenirs de son service militaire en RFA à Friedberg, pas très loin d’ici. En 1977, quand il a décidé de quitter cet abominable Colonel Parker, c’est ici qu’il a trouvé refuge. Certains ont cru l’avoir vu à Hawaï ou dans le désert en Arizona mais en réalité il s’est caché d’abord en Forêt-Noire, vivant en ermite pendant de longues années, puis plus tard au bord du Rhin. Nous sommes devenus voisins, puis amis. Il m’a confié les raisons qui le décidèrent à disparaître : il se sentait persécuté. Il n’en pouvait plus des docteurs et des médicaments qu’on lui faisait avaler. Il se disait aussi victime d’un complot de la CIA qui lui reprochait ses accointances avec Richard Nixon. Les deux hommes s’étaient rencontrés et semblaient s’apprécier mais leur amitié avait mal tourné quand Elvis avait menacé le président avec son Derringer qu’il avait caché dans sa botte. Pourtant il m’a toujours dit que l’arme n’était pas chargée et que c’était pour jouer. Mais Nixon a eu peur et voulait se venger. Comme je vous l’ai dit, il venait régulièrement chanter pour nous, son fidèle public, qui ne s’est jamais moqué. Aujourd’hui, exceptionnellement, il avait décidé de finir son show par une version a capella de Burning Love. Il savait que c’était l’un de mes titres préférés. » Et pour bien me faire comprendre l’instant du drame, la patronne entonna Lord Almighty, feel my temperature rising, et soudainement s’écria : « C’est à cet instant qu’il s’est effondré. J’en suis certaine, on l’a empoisonné ! »
Chapitre 3 : le bal des innocents
À cet instant, il ne me sembla pas possible de contrarier cette lady. Elle voulait que j’enquête et bien soit j’allais enquêter. Après avoir listé les personnes présentes qu’il me fallait interroger, je libérai ceux qui avaient un alibi en béton armé. Restaient quatre personnes qui me semblaient susceptibles d’avoir commis ce méfait. Je les reçus une par une dans ce qui fut jadis la cabine du commandant de ce navire déchu. Après une longue nuit d’interrogatoire, (seulement interrompue par le cuisinier qui m’apportait moult bières et sandwichs variés et qui, derrière ses gros bras tatoués, faisait régner une ambiance rappelant aux personnes soupçonnées qu’on n’était pas là pour rigoler), au petit matin, je réunis tout mon monde pour présenter mes premières conclusions. Puisque la police ne daignait toujours pas se montrer, c’était à moi de tenter d’élucider ce qui s’était vraiment passé.
« Commençons par vous, si vous voulez bien. Vous êtes français et d’après votre carte d’identité vous vous nommez Bruno Fumé. Pourtant dans votre portefeuille nous avons retrouvé une carte de visite au nom de Garon, prénom Jesse, profession naturopathe… Vous nous expliquez ?
– Je m’étonne que vous ne me reconnaissiez pas. Mon nom d’artiste est effectivement Jesse Garon en hommage au frère jumeau d’Elvis mort à la naissance. Dans les années quatre-vingt j’ai eu une carrière de jeune premier, chanteur de rockabilly et de variété. Mais tout cela est fini depuis bien longtemps. Je suis venu à un congrès de phytothérapie à Mannheim pour me perfectionner. Vous pouvez vérifier. Je suis fan de Presley. Quand j’ai aperçu les petites affiches qui annonçaient le concert, j’avais une soirée à perdre, je n’ai pas hésité. Comme vous, je pensais avoir affaire à un sosie. J’en ai vu de nombreux et des plus convaincants. Je pense d’ailleurs que je suis meilleur que lui. Je l’ai trouvé plutôt ridicule mais pas au point de vouloir l’éliminer. Quand il s’est effondré, j’ai ramassé le micro pour le remplacer, je connais les paroles de Burning Love, je peux vous la chanter.
– Non merci, rasseyez-vous et taisez-vous !
Assis à vos côtés, monsieur Dennis Linde Junior. Je connais mon rock’n’roll et je vous pose cette question : avez-vous un lien avec Dennis Linde, fameux songwriter de Nashville, disparu en 2006 et compositeur de plus de deux-cent-cinquante chansons enregistrées, dont justement Burning Love ? Ne me dites pas que c’est pure coïncidence ?
– J’avoue, je suis son fils. Mon père était un homme réservé qui refusait les honneurs et fuyait les médias. Mais il était aussi malheureux de ne pas être reconnu à sa juste valeur. Ses propres albums n’ont pas vraiment fonctionné et il n’a jamais profité du succès de ses chansons, notamment Burning Love qui a le mieux marché. A l’origine, il l’avait écrite pour Arthur Alexander, un chanteur soul injustement oublié. Cette première version n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et le King lui-même l’a reprise en 72. Au côté de James Burton, c’est mon papa que l’on entend à la guitare. C’est Elvis qui lui a donné ce ton sexuel et gémissant proche de l’orgasme, mais c’est bien mon père l’auteur. D’ailleurs c’est la dernière apparition d’Elvis Presley dans le Top 10 américain.
– Je vous interromps, vous n’êtes pas là pour vanter les mérites de monsieur Presley, ni de ceux de monsieur votre géniteur. Revenez aux faits.
– Je ne suis pas là par hasard. Depuis le décès de mon paternel, je suis sur les routes pour vérifier que les différents interprètes, les sosies du monde entier et ceux qui les engagent pour des prestations rémunérées, déclarent leur version à la confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs. Dans ce pays c’est la GEMA, l’équivalent allemand de la SACEM française. Elle doit s’acquitter des droits qui reviennent aux descendants du créateur de la chanson à savoir Dennis Linde sénior. Je tiens à dire qu’ici tout a été fait dans les règles et que donc je n’avais aucune raison d’en vouloir à ce faux Presley. »
À l’énoncé de cette intervention madame Heimat qui assistait à tous les interrogatoires, faillit une fois de plus défaillir et ne put s’empêcher de déclamer, rouge de rage : « ce n’est pas un faux Elvis, c’est le véritable, le seul, l’unique Presley !
– Du calme où je fais évacuer la salle, lançai-je aussitôt en regrettant ces propos stupides mais aussi de ne pas posséder un petit maillet pour frapper sur la table, ce qui avouons-le aurait fait plus sérieux.
Passons au suspect numéro trois. D’après vos dépositions, madame Zolhaus, vous êtes propriétaire d’un restaurant installé plus au sud sur le Rhin. Vous déclarez, je vous cite : « je suis venue en voisine pour donner un coup de main. » Vous aviez donc accès aux cuisines. Il vous aurait été facile de verser un poison quelconque dans le verre de la victime. Qu’avez-vous à dire de ces accusations ? – Comment osez-vous m’accuser, moi la première fan d’Elvis à l’est du Rhin. C’est encore cette perfide madame Heimat qui vous a soufflé ces idioties. Elle est jalouse. J’ai connu Elvis avant elle quand il faisait le GI près de Frankfort. J’étais l’amie de Priscilla, mais lui n’était pas le genre d’homme à se contenter d’une seule femme. C’était un amant merveilleux, il me disait que je ressemblais à sa maman. » C’est à ce moment que la grosse Heimat se jeta sur cette pauvre dame Zolhaus. S’en suivit un crêpage de chignon façon Blitzkrieg et il nous fallut unir nos forces, le cuistot et moi, pour les séparer. Les insultes proférées auraient fait rougir de honte le plus grossier des charretiers, chacune étant persuadée d’être la légitime, le seul véritable amour du gros type flasque et sans vie que nous avions précautionneusement déposé dans le congélateur… « Voyons mesdames du calme ! », criai-je, regrettant cette fois-ci de ne pas disposer d’un gros marteau pour les menacer. Après les avoir rappelées à l’ordre, mentalement je me disais que la passion aveugle de ces deux folles devait automatiquement les innocenter.
Le dernier suspect me semblait être un client plus mystérieux. Ses papiers indiquaient : nom, Andreas Cornelis Van Unglück ; profession, chasseur de nazis… « Vous êtes né à Bréda au Pays-Bas. Je n’irai pas par quatre chemins, que faites-vous ici ? – Pour vous répondre, il me faut remonter dans le temps. Effectivement, je suis né en Hollande. Mes grands-parents étaient voisins de palier de la famille Van Kuijk. Ce nom vous dit-il quelque chose ? » L’envie de lui répondre « c’est moi qui pose les questions » me traversa l’esprit mais je préférai lui avouer mon ignorance. « Nos deux familles étaient très proches et c’est pour cette raison que mes parents m’ont donné les deux mêmes prénoms que ceux de Andrea Cornelis Van Kuijk plus communément appelé le Colonel Parker… » Stupéfait par cette révélation, j’écoutais avec attention ce type entre deux âges, à l’allure insignifiante, des lunettes loupe sur le bout du nez, me donner une leçon d’histoire. « Ce colonel bidon est né le 26 juin 1909 dans cette commune néerlandaise. Avant de devenir l’impresario de qui vous savez, ce pauvre mec a été accusé, probablement à raison, d’avoir assassiné une femme. Pour échapper à la justice de son pays il s’est embarqué pour les États-Unis. Comme beaucoup d’immigrants illégaux, il a changé de nom et s’est fait appeler Tom Parker puis colonel, un titre qu’il n’a jamais mérité. Il a fait tous les métiers, d’abord dans le cirque puis dans le milieu de la musique country-western. En 1955, il rencontre le jeune Presley et après avoir pas mal magouillé, devient son manager exclusif. On sait tous qu’il transforma son jeune poulain en chanteur populaire et en superstar hollywoodienne. Ce suprémaciste blanc et dégénéré n’y connaissait rien en musique mais avait le sens des affaires. Ce que l’on sait moins ce sont ses liens avec les nazis. C’est ce qui expliqua son refus de revenir en Europe pour faire tourner sa vedette dans le monde entier. Il aurait dû traverser des frontières et montrer des papiers qui auraient révélé son passé. Jusqu’à sa mort en 1997 à Las Vegas, ce sale type a toujours refusé d’évoquer sa jeunesse et ses troubles années. J’ai cherché à en savoir plus. Quand j’ai appris qu’Elvis n’était pas mort à quarante-deux ans, je me suis lancé à sa recherche pour le rencontrer. Il était le seul témoin vivant qui puisse nous apprendre quels étaient les liens entre Parker et l’idéologie hitlérienne. Je veux aussi rompre avec ce qui me lie à cette famille pourrie. Malheureusement je suis arrivé trop tard et je n’ai pas eu le temps de lui parler. Vous voyez donc que je n’avais aucune raison de le tuer ! »
Épilogue J’aurais tellement aimé résoudre cette énigme à la manière de Raymond Souplex alias le commissaire Antoine Bourrel dans la vieille série télévisée « les cinq dernières minutes ». J’aurais pris à témoin les spectateurs et je me serais écrié en me tapant sur le front : « Bon dieu, mais bien sûr ! » J’aurais révélé le nom de l’assassin à une assistance médusée. Malheureusement il n’en fut rien.
Et si le pauvre gars était simplement mort d’un AVC ? À son âge, vu son physique, quoi de plus naturel de voir son cœur s’arrêter de battre. Pour connaître la cause du décès, il suffirait d’une autopsie. Si elle révélait des traces de poison, l’affaire deviendrait plus délicate à élucider. Se poserait alors la question du vrai ou du faux Presley et de son assassin présumé. Au vu des quatre dépositions, j’avais bien ma petite idée mais au moment de rendre mon verdict, des sirènes hurlantes vinrent me réveiller. Avec vingt-quatre heures de retard die polizei arrivait enfin.
Face à la rigueur germanique, j’étais mal barré. Risquant d’être accusé d’usurpation d’identité pour m’être fait passer pour un fonctionnaire de la police, j’allais être obligé de me justifier. De plus n’ayant jamais eu l’âme d’un flic, bien peu d’empathie pour les fans épleurés et encore moins d’intérêt pour les sosies, j’anticipai la situation et décidai de prendre la poudre d’escampette : pour le dire plus simplement, de me casser fissa sans me retourner. Problème, la passerelle était déjà envahie par les forces de l’ordre. En quelques instant la poupe du navire était entièrement occupée. Il me fallut filer par les coursives vers la proue. Allais-je devoir plonger dans les eaux du Rhin pour leur échapper ? Mon amour des fleuves est immense mais pas au point de m’y jeter la tête baissée. Ouf ! Passant par le hublot avant, je découvris une frêle embarcation, l’annexe du bateau. Juste le temps de m’y glisser, de détacher le bout qui la retenait, d’attraper les deux avirons qui trainaient et me voici fugitif !
Personne ne m’a vu m’échapper, il ne me reste plus qu’une chose à faire : ramer !

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