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ANGE DU ROCK N°18 : ARETHA FRANKLIN & MATT «GUITAR» MURPHY

  • Photo du rédacteur: swampfactory
    swampfactory
  • 26 nov. 2021
  • 5 min de lecture

Guitar Matt Murphy with Aretha Franklin.
© swampfactory@hotmail.com

C’est mon cousin américain Dan qui m’en a parlé en premier. Ce jour-là, Il est rentré de son golf et m’a annoncé qu’il avait joué avec un certain Matthew Tyler Murphy, un musicien de blues, une vraie vedette. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu’il s’agissait de Matt « Guitar » Murphy que j’avais déjà rencontré vers la fin des années quatre-vingt-dix, dans un festival du sud-ouest de la France où mon groupe Swampini était programmé. J’avais osé l’approcher pour lui offrir notre premier Cd father of waters dont le morceau d’ouverture lui était dédié. Pas sûr qu’il comprit bien mon intention mais il m’avait gentiment souri avant d’être entrainé par un manager pressé.


Deux décennies plus tard, me voici à Orlando en Floride et Dan a attisé ma curiosité. Je me vois déjà retrouver mon héros oublié pour lui faire dédicacer mon petit ouvrage « Sur les chemins du blues » que je viens de publier. J’y évoque Howlin’Wolf, Memphis Slim, Willie Dixon, Buddy Guy, Otis Rush ainsi que tous les géants de la musique bleue, et lui les a tous côtoyés. Mon cousin m’annonce qu’il peut me le faire rencontrer et rapporter la signature d’un authentique bluesman sur mon livre, plus quelques dédicaces sur ses CDs, ça serait le pied ! Il faut dire que Dan et Susan sa compagne ont quitté New York pour vivre leur retraite au soleil dans une splendide résidence installée sur un immense terrain de golf avec piscine magnifique et verdure automatiquement arrosée, au milieu de voisins qui sont tous des célébrités. Les gens riches pouvant aussi s’ennuyer, monsieur Murphy n’a pas longtemps hésité à nous inviter chez lui pour boire un thé glacé.


Le magnifique pavillon de Dan semble minuscule en comparaison avec la maison de Matt : il s’agit là d’un véritable palais, ce qui m’interpelle aussitôt car je n’imaginais pas que le blues puisse autant rapporter… Ce mystère trouve vite sa résolution quand son épouse apparait au sommet d’un majestueux escalier. Madame Murphy est en réalité Lady Soul, Miss Aretha Franklin en personne. Comment est-ce possible, est-ce un énorme canular ? Tout le monde se souvient de la scène géniale du film des Blues Brothers tournée en 1980 où Matt Murphy rend son tablier à Madame Franklin, tenancière d’un restau minable, pour rejoindre le groupe de Dan Aykroyd et John Belushi : quelle excellente idée ! Plus fort encore mais moins connu : on retrouve le même couple dans les Blues Brothers 2000. Cette fois-ci, le couple qui a réussi, dirige une concession BMW… Ce qui n’empêche pas Matt à nouveau de se barrer. Mais c’est de la fiction, pas la réalité ! Eh pourtant c’est sur le tournage de ce film qu’ils se sont rencontrés et se sont aimés.


Aujourd’hui Matt Murphy est un vieux monsieur de plus de quatre-vingt dix ans et Aretha Franklin une dame âgée qui n’a jamais su régler ses problèmes de surpoids. Mais ils sont bien vivants et plutôt en forme. Nous nous installons dans des fauteuils couleur zèbre disposés sur un tapis style fourrure de tigre de Sibérie… Le couple semble heureux, prêt à répondre aux questions d’un fan impressionné.


« Madame Franklin, la presse avait annoncé que vous étiez malade et…


– décédée, me coupe t’elle plutôt excitée. Une fois de plus les médias m’ont confondue avec cette trainée de Vickie Jones ! Déjà en 1969, elle s’était fait passer pour moi pour une série de shows et la justice l’avait condamnée pour usurpation d’identité. Elle a eu beau raconter qu’on l’avait obligée, jusque dans la tombe, elle ne cessera de m’emmerder.


– Et vous monsieur Murphy votre meilleur souvenir ?


– Sans hésiter, la tournée européenne avec le American Folk Blues Festival en 63. Nous avions été reçus comme des rois et notre musique était enfin célébrée. Plus tard avec les Blues Brothers c’est devenu plus rentable, mais aussi beaucoup plus cliché.


– C’est quand même le film qui vous a relancés ! lance brusquement Aretha. En réponse Matt marmonne quelques noms d’oiseaux difficilement traduisibles, ce qui a pour conséquence d’agacer son épouse déjà bien remontée. La discussion part en vrille et je me sens complétement dépassé.


Désormais le contentieux tourne autour de la place prise par la pharaonique collection de couvre-chefs de madame. C’est vrai que la maison pourtant immense semble remplie de chapeaux à rendre dingue la reine d’Angleterre. Et c’est sans compter sur une galerie entière consacrée aux paires de chaussures plus une pièce pleine de boas colorés. Il est vrai que n’est pas « the Queen of Soul » qui veut. Aretha Franklin a une réputation à défendre. Les voici fâchés qui se lancent à la figure leurs propres titres de gloire dans un dialogue plutôt relevé.


Aretha (agacée) : Ce n’est pas monsieur qui a vendu 75 millions de disques à travers le monde, remportés 18 Grammy Awards et a eu 112 singles classés !

Matt (légèrement offusqué) : Peut-être mais mes albums restent tous écoutables, ce qui n’est pas ton cas. Tu radotes avec les chefs d’œuvres de ta période Atlantic mais c’était il y a plus de quarante ans. Tu oublies les années Arista Records qui ont été bien moins glorieuses.

Plutôt gêné, je me permets quand même d’intervenir pour proclamer que l’album de la diva Love all the Hurt Away paru en 81 où figure le duo avec George Benson reste l’un de mes préférés. Malheureusement ce compliment pourtant mérité ne suffit pas à les arrêter.

Aretha : À ma connaissance ce n’est pas toi qui as joué devant la reine Elisabeth et le pape François ! Et à la cérémonie inaugurale de Barack Obama, tu y étais ?

Matt : Peut-être mais moi j’ai joué avec Chuck Berry, Na ! Ensuite avec Steve Crooper, Donald Duck Dunn et tous les copains, on s’est bien marré, pendant que toi tu pérorais avec George Michael…

Aretha (écarlate comme un rossignol milanais) : Sur cet album j’ai aussi chanté avec Keith Richards et ça tu oublies de le rappeler.

Matt : Excuse-moi mais je préfère écouter les Rolling Stones jouer blues plutôt que d’essayer de te faire sonner disco !

Aretha (avec un air supérieur) : Sais-tu au moins que la pochette de ce disque est l’œuvre d’Andy Warhol ?

Matt (plus malicieux qu’ignorant) : Andy qui ?

Aretha (dégoutée) : Tu veux qu’on sorte nos relevés de droits d’auteur ? Nous verrons qui a le plus gagné ! Si l’on devait compter sur tes revenus, nous vivrions encore au milieu des poules et des cochons. Tu n’es jamais sorti de ta campagne, tu resteras toujours un paysan !

Matt (désormais courroucé) : Je te rappelle que toi aussi tu es née dans le sud, et si ton père ne t’avait pas poussée dans le circuit du Gospel, tu serais encore coincée au Tennessee.

Entre les deux amants, le ton est encore monté d’un cran, dépassant allégrement l’étape agacement pour atteindre le niveau supérieur de l’énervement. Quand la conversation tourne au pugilat, il nous semble préférable de nous éclipser. Alors qu’Aretha commence à casser la vaisselle et Matt à piétiner les chapeaux, il est temps de dire « bye bye » les tourtereaux ! Depuis Dan m’a dit qu’ils se sont reconciliés…


Aretha Franklin holding a club above Guitar Matt Murphy

À lire en écoutant : Aretha Franklin, Love all the Hurt Away.

Matt « Guitar » Murphy, Way Down South

 
 
 

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