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ANGE DU ROCK N°20 : CHARLIE WATTS

  • Photo du rédacteur: swampfactory
    swampfactory
  • 7 janv. 2022
  • 7 min de lecture

Charlie Watts riding a white horse.
© swampfactory@hotmail.com

Le Mas d’Icard, 20 septembre 2021

Cher Patrice !


Si je vous écris aujourd’hui, c’est d’abord pour vous donner des nouvelles de cette Camargue qui, je le sais, est chère à votre cœur ! Vos passages chez nous sont toujours des moments appréciés et nous espérons vous revoir très prochainement. Ce que je vais vous raconter risque de vous faire revenir rapidement (enfin je l’espère) et devrait nous faire palabrer jusqu’à la fin de notre existence… Je nous imagine déjà en terrasse à Sainte-Marie-la-Mer, la saison achevée, nous remémorer ce qui vient d’arriver. Il y a une semaine qu’ils sont arrivés sous un pseudo au domaine que vous connaissez bien. Ils sont en pension complète pour un temps indéterminé et nous les avons installés dans la grande chambre « Flamant », celle que d’habitude vous occupez. Mais de qui parlez-vous me direz-vous ? De Monsieur et Madame Charlie Watts…

Vous doutez ! Ne niez pas, je vous sens dubitatif ! Vous me direz, le batteur des Rolling Stones a été annoncé décédé il y a moins de trois semaines. Et bien non ! Votre héros est bien vivant et je crois que c’est pour fuir tout ce ramdam médiatique qu’il a cherché avec son épouse un refuge au bout du monde où incognito ils pourraient vivre leur grande passion, les chevaux. Quand nous avons présenté nos étalons dans le paddock où ils galopaient, la glace s’est brisée et nous avons sympathisé. Notre dernière acquisition, la très majestueuse Seraphina les a beaucoup amusés puisque c’est aussi le prénom de leur fille unique. Depuis, chaque soir, installés sur la terrasse à l’heure du thé, face à l’ouest, nous discutons tranquillement. On présente souvent Monsieur Watts comme un taiseux, eh bien je vous assure c’est un gentleman charmant !


Le troisième jour, Shirley (elle nous a priés très gentiment de l’appeler par son prénom) nous a expliqué le but de leur périple. Ils sont à la recherche de cette race de petits chevaux très rustiques d’origine polonaise appelée Konik et dont nous avons fait notre spécialité. Sachant qu’ils possédaient un haras dans le Devonshire, réputé dans l’élevage de pur-sang arabes, nous nous sommes demandés ce qui pouvait bien les intéresser chez ces lointains descendants des sauvages Tarpans. Quand ils ont évoqué leur caractère primitif, leur belle robe souris et leur raie de mulet si typique, nous avons compris que nous avions affaire à des clients sérieux.

Les Watts ont d’abord perdu Preria une belle jument dans des conditions obscures. Ils avaient confié ce précieux animal au prestigieux haras polonais Janow Podlaski, une entreprise d’état vieille de plus de deux siècles, située près de la frontière biélorusse et principal élevage de pur-sang en Europe. C’est elle qui fournit les cheiks et les stars du monde entier en montures d’exception. Le parti conservateur « Droit et Justice », à peine arrivé au pouvoir, a limogé Marek Trela, une sommité dans le domaine et directeur de cet établissement depuis près de vingt ans, pour le remplacer par un économiste qui concède ne rien connaître au monde des chevaux. Quand Amra, une autre jeune pouliche d’une valeur de 340 000 euros, mourut à son tour dans des conditions similaires, la confiance fut définitivement rompue. Shirley choisit de rapatrier ses deux juments restantes pour qu’elles puissent mettre bas dans leur élevage britannique mais aussi pour fuir ce maquignonnage politique polonais…

Demain nous devons les emmener jusqu’au « bac du Sauvage » en longeant le « petit Rhône ». Nos amis britanniques vont-ils apprécier autant que vous cette balade ? Promis, je vous tiens au courant. Mes amitiés à « Madame Françoise ».


P.S. Shirley m’a proposé d’acheter notre selle camarguaise cloutée, celle qui trône dans notre hall d’entrée… J’ai poliment refusé.


Votre ami Francis






Le Mas d’Icard, le 22 septembre 2021


Mon cher Patrice Merci d’avoir montré de l’intérêt pour la lettre que je vous ai envoyé. Je n’en suis pas surpris, connaissant votre amour pour notre région et nos différentes activités mais aussi pour les Rolling Stones. Comme promis je vous tiens au courant des nouvelles aventures de Charlie et Shirley. Ils sont toujours avec nous et chaque jour passé en leur compagnie, je m’étonne de leur gentillesse et de leur serviabilité. Je n’aurais jamais imaginé recevoir de telles personnalités, puisque jusqu’à présent les seules vedettes que nous avons reçues c’est vous et votre charmante épouse…


Aujourd’hui après une belle promenade à pieds, comme chaque soir nous nous sommes assis confortablement face au soleil couchant. J’ai eu la bonne idée de passer ce vieux vinyle de Gerry Mulligan celui à la pochette bleue avec le saxophone stylisé, que vous m’aviez offert. A partir de ce moment plus de Mister Watts, mais du Charlie à tout va ! Tel un enfant gâté, notre batteur favori nous a expressément demandé de rejouer le disque trois fois de suite tant il appréciait. Vous m’aviez prévenu, Charlie Watts est un fan de Jazz qui n’a jamais raccroché. Il nous a expliqué qu’il était d’une génération pour qui le jazz incarnait l’esprit rebelle, plus une liberté sexuelle dont il avait de son propre aveu peu profité puisque comme vous le savez, le couple s’est marié en 1965 et ne s’est jamais séparé. J’ai secrètement pensé que cela vous faisait un point commun, vous qui souvent rappelez que vous êtes l’homme d’un seul amour jamais trompé. Question Jazz notre ami en connaît un rayon. Hormis Gerry, ses héros sont Charlie Parker, son préféré, le jeune Miles Davis, Chet Baker, le torturé, et bien sûr Duke Ellington dont il a réussi à imposer un morceau pour l’ouverture de la tournée des Stones de 1981. Je m’en souviens bien, nous y étions ! Nous avons ensuite écouté son album solo Long Ago & Far Away de 1996, une belle suite de standards magnifiquement interprétés. A l’époque, nous en avions beaucoup discuté, vous l’aviez déclaré disque de l’année. Face à tous mes compliments, Charlie a semblé plutôt gêné considérant que seul le chant de Bernard Fowler est à sauver.


Question batteur, son idole de toujours reste Chico Hamilton, celui du quartet de Mulligan. Modestement, lui qui a découvert la magie des tambours à quatorze ans grâce à son voisin Dave Green, un copain qu’il fréquente encore, non seulement il ne s’est jamais comparé à ces monstres de swing, de technique et de talent mais a développé un style peu démonstratif, refusant de faire des solos qu’il dit détester et avoue ne pas savoir exécuter… Vous devinez que ses propos m’ont rappelé vos propres sentiments de frustration face à votre jeu de batterie qui, selon vos dires, vous a toujours apparu bien trop limité… Qu’il attaque un chabada aux balais ou un binaire bien rock, il reste un batteur minimaliste. Je lui ai posé la question que vous rêviez de lui poser : pourquoi et quand a-t ’il arrêté de jouer toutes les croches sur le charleston ? Charlie m’a avoué que cette manie lui était venue pendant l’enregistrement de Some Girls en 78. Mick Jagger voulait une énergie nouvelle, un son de batterie toujours plus en avant pour une formule punk-disco bien dans l’air du temps que lui personnellement n’a jamais vraiment aimé. Il a néanmoins obtempéré et on sait ce que ça a donné.


P.S. À propos de la selle cloutée, Shirley m’a encore proposé de l’acquérir ; cela devient gênant car il n’est pas question de nous en séparer !


Votre fidèle Francis






Le Mas d’Icard, le 25 septembre 2021


Mon très cher Patrice


Quel dommage, que vous ne soyez pas parmi nous ! Cette rencontre avec les Watts nous a passionnés et je ne peux pas résister à l’envie de vous conter la suite de nos entretiens avec le célèbre couple. Au vu des nombreuses anecdotes que nous raconte Charlie, je suis certain que vous en auriez écrit un bouquin. Quand je pense que certains ignorants présentent Charlie Watts comme un personnage taciturne ! Maintenant que nous le connaissons, je vous assure qu’il s’agit d’un type très british et vraiment sympathique…

Hier soir il est revenu sur tout ce qu’on a écrit sur sa mort, hommages posthumes et commentaires admiratifs. Face au ridicule de la situation, il a bien ri. Les compliments du style « un batteur toujours juste après le fond du temps » ou encore « un musicien qui entretenait un rapport au temps plus proche du ternaire que du découpage binaire du rock », l’ont beaucoup amusé. Comme je vous le disais dans mon précèdent courrier, il n’a jamais rien prémédité faisant au mieux avec un style de batterie qui le lasse depuis déjà de nombreuses années. Il a aussi reconnu que cela lui avait beaucoup rapporté en lançant un regard complice vers Shirley qui consultait son ordinateur pour calculer ce qu’allait lui coûter son prochain dada…

Rappelez-vous, nous en avons souvent discuté : qui pouvait bien le remplacer au sein des Rolling Stones ? Eh bien, je lui ai demandé. Charlie m’a confirmé que Steve Jordan était le plus qualifié. C’est un pote à Keith Richards et le vieux pirate ne peut faire de la musique qu’avec des copains. Selon lui, son seul défaut est qu’il joue trop bien. Le problème s’était déjà posé quand ils avaient engagé Billy Preston. En un clin d’œil il apprenait les nouveaux morceaux, modifiait les tempos et trouvait les arrangements, quand le reste du groupe n’avait pas encore saisi le riff d’introduction. De l’aveu même de Charlie, les Stones ont toujours été un groupe effroyablement lent et besogneux, et quand ça va trop vite, l’équilibre du groupe s’en trouve altéré. Pareil pour Darryl Jones, bassiste brillant, mais qui n’a pas su faire oublier Bill Wyman. C’est d’ailleurs suite au départ de son vieux complice que le groupe a perdu une bonne partie de sa magie ! « Et Mick Jagger ? », lui ai -je demandé. La réponse de notre invité a été pour le moins catégorique. « Je l’ai longtemps considéré comme le clown du groupe… Il a su évincer Brian Jones et son amitié avec Keith m’a toujours paru intéressée. Je dois pourtant reconnaître que c’est grâce à lui que le groupe a atteint des sommets que je ne pouvais imaginer quand j’ai les ai rejoints en 1963. Il peut être très agaçant et c’est un des rares types à qui j’ai mis un pain… » Un détail qui va vous amuser : Charlie Watts est un prince d’élégance et donc pour les diners, nous aurions aimé nous habiller. Problème, point de smoking au Mas d’Icard, ni de robes de soirée… Heureusement, les Watts se sont adaptés, question bijoux et chapeaux, Madame a fait sobre, et Monsieur avec son polo assorti à un élégant pantalon d’été l’a joué décontracté.


Nous aurions tant voulu partager ces moments avec vous. J’ai souvent pensé vous appeler pour vous proposer de nous rejoindre mais je crois que l’intimité de ce moment aurait été rompue. J’ai parlé de vous, de vos passions et Charlie a proposé de vous inviter lors de leur prochain séjour. Le charme de la Camargue a visiblement opéré, à moins que ce ne soit le pouvoir de nos équidés...


Marion se joint à moi pour vous embrasser !


P.S. À propos de notre belle selle cloutée, vous n’imaginez pas la somme que les anglais nous ont proposés… C’est une Pujolas de 1825. Soyez rassuré, nous n’avons pas cédé !


À vous revoir enfin mon vieil ami ! Francis

Charlie Watts riding a black horse.

À lire en écoutant : Gerry Mulligan and his Ten-Tette ; Charlie Watts, Long Ago & Far Away

 
 
 

1 comentario


fbvillatte
09 ene 2022

Vraiment très paisible et sympathique ce séjour camarguais 😊 Notre cavalier british a la classe !

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