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ANGE DU ROCK N°29 : DAVID LONGDON

  • Photo du rédacteur: swampfactory
    swampfactory
  • 10 juin 2022
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 juin 2022


David Longdon from Big Big Train seated with his flute.
© swampfactory@hotmail.com

Quel magnifique album !


Welcome To The Planet du groupe britannique Big Big Train est paru le 28 janvier 2022. Personne ne s’y attendait puisque six mois auparavant avait été publié un treizième album, le déjà très réussi Common Ground. L’effet Covid avait joué à plein. Confinée, dans l’impossibilité de tourner, la bande était retournée en studio pour accoucher d’un nouvel opus qui confirma tout le bien que l’on pensait déjà de cette formation de rock progressif.


Progressif ? Une expression en réalité bien peu adaptée, puisque pour ces musiciens, il s’agit beaucoup plus de jouer une musique issue d’un patrimoine revendiqué plutôt que d’ambitionner de créer un style nouveau capable de tout révolutionner. Ce genre eut sa période de gloire au début des seventies mais la bonne fortune n’a pas duré. Les punks ont tout bousculé et si certains groupes comme Genesis, Yes ou King Crimson ont su s’adapter, beaucoup des héros de cette mouvance ont succombé. Quelques fans se sont malgré tout accrochés pour préserver l’héritage et continuer à illuminer des chapelles réservées à des amateurs éclairés. Contre vents et marées, ils ont résisté au commercialement correct, au nivellement généralisé, s’entêtant à proposer des musiques sophistiquées qui a défaut d’être innovantes ont pour caractéristiques d’être peu formatées. Aucune perspective d’enrichissement personnel, seule la passion pour cette époque révolue les anime et parmi ces artistes nostalgiques mais actifs, un groupe a émergé, l’étrangement nommé Big Big Train.


Formé à Birmingham en 1990, le collectif a vu depuis défiler pléthore de musiciens. Peu à peu son audience s’est élargie. Sans remplir des stades et sans aucun éclairage médiatique intempestif, le « Grand Grand Train » progresse sans se répéter et interprète magnifiquement une musique toujours de qualité. Le nouveau disque reprend là où le dernier album nous avait emmené, proposant une suite parfaite à la précédente création. La pochette conçue autour d’une même thématique forme un quasi concept typique du rock prog. Dès la première écoute une production soignée saute aux oreilles les plus revêches. Les mélodies mettent en valeur David Longdon, l’homme qui a rejoint Big Big Train en 2009 pour en devenir la figure iconique, un chanteur doté d’une voix parfaite, typiquement british avec ce très léger voile éraillé merveilleusement adapté à ce répertoire varié. Ce « perfect gentleman », compositeur confirmé et multi-instrumentiste est aussi un frontman charismatique digne d’un Peter Gabriel à qui il fait obligatoirement penser. La variété de l’instrumentation est étonnante avec une basse dynamique facilement identifiée, une batterie puissante sans être lourde, des claviers omniprésents mais jamais gadgétisés, des guitares électriques ou acoustiques multiples, et originalité supplémentaire, une section de cuivres avec force tuba, euphonium et cor d’harmonie en tous genres, sonnant plus héritage classique européen que soul music américaine.


Mais où est le rock me direz-vous ? Pas si loin que ça si l’on ne se contente pas de Be Bop A Lula. La matrice initiale demeure Sergent Pepper des Beatles qui depuis plus de cinquante ans inspire des tas de musiciens friands d’aventures musicales et contente un public averti et curieux.Sur scène, le groupe dégage un entrain communicatif, une joie de jouer et une énergie réelle, sachant manier les ambiances « obscurité et lumière » chères à Led Zeppelin, Pink Floyd et compagnie. C’est justement en incorporant le très classieux David Longton que la sauce a prise, la formation s’est stabilisée et avec ses deux dernières productions Big Big Train semble être prêt à sortir du ghetto des initiés pour s’exposer au soleil d’un succès populaire mérité. Sauf que…


Le 20 novembre 2021 l’information est tombée ! Le chanteur du groupe Big Big Train venait de succomber suite à une chute à son domicile, laissant une épouse et deux filles désespérées. Ses amis, ses collègues musiciens et ses fans furent abasourdis par cette terrible nouvelle. La tournée annoncée fut bien sûr annulée, et l’avenir du groupe reste aujourd’hui très incertain. Sa notoriété n’étant pas suffisante pour faire la une des médias conventionnels, je n’appris la mort du chanteur que plus tard, par le biais de blogs spécialisés quand Welcome To The Planet sortit au début de l’année. J’en fus profondément affecté. Pourtant rapidement je me suis refusé à admettre la mort de ce super musicien de 56 ans dont j’avais su apprécier toutes les qualités. Hasard, prémonition, pressentiment ou prescience ? Je ne saurais le dire mais un avertissement d’origine inexpliqué s’imposa à ma conscience troublée : David n’était pas décédé et, c’est en relisant « 1984 » que je sus où le retrouver… Sachant que cette célèbre dystopie avait été écrite sur l’île de Jura en Ecosse par Georges Orwell entre 1946 et 1949, je décidai d’aller vérifier la véracité de mon intuition. Ayant déjà tendance à passer auprès de mes proches pour un hurluberlu, je restai volontairement évasif sans jamais préciser qu’il s’agissait de me rendre sur l’archipel des Hébrides intérieurs et non dans le département français dont la préfecture est Lons-le-Saunier.


Et me voici dix jours plus tard à Craighouse principal village et capitale d’une île écossaise de deux cent âmes, vivant à l’ombre des Paps of Jura que l’on peut traduire sans trop d’imagination par mamelons… Au volant d’une Land Rover defender Td5, modèle reine d’Angleterre, je m’engage plein nord sur une piste perdue au milieu des tourbières... Je sais qu’il me faut parcourir une vingtaine de miles pour vérifier si mon rêve éveillé est un délire ou une réalité.


Heureusement le lecteur de Cd fonctionne. Je n’ai apporté que le dernier Big Big Train. J’appuie sur « Play », l’aventure peut débuter avec Made from Sunshine, une entrée en matière plutôt guillerette, que je fredonne sans vergogne et sans déranger personne.


The Connection Plan en deuxième position attaque par un violon virevoltant. C’est à l’évidence un hit, une rengaine imparable qui, à une autre époque aurait fait l’unanimité des radios branchées. Ecrit par le batteur Nick D’Virgilio, un musicien brillant ex Spock’s Beard, l’un des deux batteurs que Genesis avait recrutés pour remplacer un Phil Collins démissionnaire. L’énergie est rock et le chorus de guitare presque heavy. Attention à ne pas m’emballer, point de radars ici mais des ornières à éviter.


Troisième temps fort du disque, Lanterna est avec son changement de tempo bien venu, un titre quasi épique, parfaitement prog rock, ambitieux et captivant pour qui prend le temps d’écouter sans œillère et sans préjugé. J’apprécie particulièrement l’entremêlement des voix quand surgit sur ma gauche un troupeau de cerfs élaphes qui sont parait-il trente fois plus nombreux que les habitants de l’ile.


Capitoline Venus composée par Greg Spawton présent depuis le début de l’aventure et gardien du temple de ces musiques alambiquées, résonne comme une belle ritournelle aérée.


Ensuite le suédois Rikard Sjöblom qui avant de rallier cette formation s’est fait connaître dans Beardfish un groupe prog inspiré trop rapidement séparé, propose l’instrumental A Room With No Ceiling. Il en profite pour sortir son accordéon rappelant ainsi ses origines nordiques tout en enrichissant la palette de sonorités colorées. L’ambiance est parfaite pour qui cherche la solitude des landes battues par les vents de l’océan.


J’arrive à un endroit nommé Ardlussa, un hameau où la route s’arrête, quand retentit Proper Jack Froster, un morceau typique de la magie du groupe : une référence très britannique à un Noël illuminé, un univers féerique qui fait rêver. Plusieurs parties se succèdent sans se piétiner, avec une tension qui monte sur des arrangements cuivrés pour un effet original assuré.


Bats In The Belfry est une succession de rythmes et de cassures, une sorte de jazz rock grande époque, composé bien évidement par le batteur qui avec son passé musical multiforme est capable de tout sans jamais mollir. Justement, gaffe à bien rester éveillé quand il faut traverser des rivières à guet. Il s’agirait de ne pas de tomber en panne là où personne ne viendrait me chercher…


Quand retentit Oak and Stone, un autre titre prog comme on en fait plus, avec mellotron, piano en arpèges et des voies aériennes qui s’enchainent à merveille, un vol de pygargues m’indique la direction à suivre…


Welcome to the Planet clôt le disque de façon grandiose sans être grandiloquant. Reconnaissons qu’à la différence de certains de ses ainés, Big Big Train évite les longueurs. David passe à la flute et c’est Carly Bryant, compositrice, claviériste et chanteuse à qui revient l’honneur de conclure sur un soupir énigmatique que l’avenir viendra expliciter…


La musique a cessé, le disque est terminé. Sur ce chemin solitaire, j’ai eu le temps de rédiger mentalement une chronique mi prétentieuse mi informative comme seuls savent les imaginer les rock critiques fans de prog. J’éteints le moteur. Je suis arrivé à Barnill, la ferme isolée qu’Orwell louait pour écrire. Je n’ose pas m’approcher. De la fumée s’échappe de la cheminée, visiblement la maison est occupée. Devant, deux gamines jouent à courir après les poules et les oies et à droite une femme s’occupe du potager. Derrière un homme chauve ramasse de la tourbe. L’émotion m’étreint. Aurais-je le don de précognition ? C’est bien David le chanteur décédé. En regardant de loin cette famille qui semble heureuse, je me dis : si Georges Orwell pamphlétaire urbain, socialiste internationaliste et reporter des causes perdues a fui l’enfer de la promiscuité du monde moderne, pourquoi David ne serait-il pas attiré lui aussi par cette utopie campagnarde ? En a-t-il eu assez ? La perspective d’un vedettariat envahissant lui est-elle devenue insupportable ? Peut-être n’a-t-il jamais digéré d’avoir été recalé au poste de chanteur de Genesis ? (C’est l’ex Stiltskin Ray Wilson qui a enregistré l’album Calling All Stations, mais ça n’a pas fonctionné). Aurait-il fait mieux ? J’en suis persuadé. Et puis les nouvelles internationales ne sont pas bonnes. A-t-il voulu mettre à l’abri sa famille, fuir les épidémies ou encore échapper à la perspective d’une guerre nucléaire ? Je ne le saurai jamais car je n’ai pas osé aller lui parler. Sa retraite méritait le respect, je n’allais pas le déranger.


En reprenant la route, une petite voix intérieure me dit : « Si George Orwell craignait Big Brother, peut-être que David Longdon lui fuyait Big Big Train. »

Big Big Train, Welcome to the planet, album.

À lire en écoutant : Big Big Train, Welcome to The Planet.

 
 
 

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