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ANGE DU ROCK N°33 : RANDY CALIFORNIA

  • Photo du rédacteur: Patrice Villatte
    Patrice Villatte
  • 30 sept. 2022
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 oct. 2022


Randy California playing stratocaster on a deer.
© swampfactory@hotmail.com

C’était une bonne idée d’aller passer le weekend de l’ascension au bord de la Loire : une idée qui aurait pu s’achever en drame mais qui s’est finalement terminée en une rencontre heureuse et inoubliable !


Déambuler sur le pont canal de Briare, le fleuron du patrimoine fluvial construit en partie par Eiffel qui permet d’enjamber le plus long fleuve français, vaut le détour. Cette avenue d’eau bordée de lampadaires, décorée de candélabres et de quatre obélisques porte-lanternes attire le chaland peu pressé. Pour échapper à la foule, nous avions décidé de prolonger ce moment enchanté en longeant le canal latéral de la Loire, là où rapidement plus personne ne va s’aventurer. Instant idyllique où en pleine campagne nous suivions le cours de l’eau nous permettant de supporter agréablement les effets d’un soleil généreux.

Partis par la rive droite, nous revenions par la rive gauche, tranquilles sans nous presser. Quand soudain un chevreuil sauta à l’eau. Dérangé et surpris au moment où il se désaltérait, l’animal n’avait pas trouvé d’autre solution pour fuir que de plonger. Désolé de l’avoir fait sursauter, je me régalai tout d’abord à la vue de cette magnifique bête qui nageait. Mais rapidement je pris conscience que cette voie de secours devenait un piège mortel pour notre chevreuil. Comment allait-il pouvoir remonter sur l’autre berge pour poursuivre sa fuite ? La largeur du canal ne doit pas excéder les dix mètres et les rebords cimentés sont arrondis et glissants. Coincé, il revenait sans cesse vers le coté d’où il avait plongé, mais là aussi, point de salut, impossible de remonter. Après plusieurs allers-retours, je sentis bien que la pauvre bête, paniquée commençait à fatiguer. Que faire ?


Une vieille dame qui passait par là, découvrant la situation proposa d’appeler les pompiers. Sauf que faute de réseau et loin de la ville, ces derniers ne seraient pas arrivés à temps. Puis surgit un couple à vélo. L’homme comprit alors tout de suite la situation. S’il semblait britannique ou américain, il parlait couramment le français. Visiblement, il avait de l’expérience, m’annonçant que des chiens ou des vaches se noyaient régulièrement ici, ne réussissant pas à grimper. La seule solution : se mettre à l’eau pour essayer de sauver l’animal. J’étais prêt à me tremper même si un instant, l’idée de ne pas pouvoir à mon tour sortir de l’eau me traversa l’esprit ! À deux on devrait pouvoir s’aider. De la rive droite par où il était arrivé, notre homme se glissa dans l’eau tout habillé, et je fis de même depuis la rive opposée. Cherchant à fuir à notre approche, le pauvre chevreuil, effrayé et au bord de l’épuisement, aboyait comme une bête blessée (et oui les chevreuils aboient). Après plusieurs tentatives, nous réussîmes enfin à l’approcher. Mon compagnon d’infortune le poussant par derrière et moi le tirant par devant, nous finîmes par le faire remonter sur la rive ! Dès qu’il eut ses quatre pattes au sec, notre chevreuil décampa sans demander son reste. Dans l’eau chaude au cœur de ce printemps ensoleillé, à nous de pousser un cri de soulagement et un rire de satisfaction ! A deux nous avions sauvé notre malheureux ami, conscients que seul nous n’aurions pas pu le tirer d’affaire. Au lieu de tenter de gravir les parois glissantes, nous nageâmes jusqu’à un petit pont où nous pûmes plus facilement remonter. Trempés mais bien contents d’avoir commis une bonne action, assis au bord du canal, il était temps de nous présenter.

« Je m’appelle Randy Craig Wolf, enchanté ! m’annonça-t’il en me tendant une main franche et instantanément sympathique. Il me faut me calmer car ce que nous venons de vivre, figurez-vous, je l’ai déjà vécu et je suis tout troublé. » Devant ma mine interrogative, mon interlocuteur m’explique : « C’est un souvenir douloureux. Il y a plus de vingt ans, j’ai sauvé de la noyade mon fils Quinn âgé de douze ans. C’était au large de Molokai à Hawaii dans l’océan pacifique et j’ai bien failli y rester. »


Perplexe je réagis aussitôt : « Mais c’est ce qui est arrivé à Randy California sauf que lui s’est noyé !

– Mais je suis Randy California ! J’ai survécu et en ai profité pour changer de vie. C’est Rosalie que j’avais connue grâce au réalisateur français Jacques Demy qui m’a accueilli. Nous ne vivons pas très loin d’ici, installés dans le Loiret. »

Je connais bien ce nom, j’ai vu sur scène ce musicien, fondateur du groupe Spirit et grand guitariste dont j’ai la plupart des albums. En le regardant bien, ce type lui ressemble. Même allure athlétique malgré les années passées, moustache et coiffure abondante mais désormais grisonnante, effectivement c’est bien lui ! Avoir nagé avec le créateur de I Got a line on You et de tous ses tubes psychédéliques me laisse sans voix, ce qui a le don de l’amuser. « Pour moi, c’est de l’histoire ancienne que je ne regrette aucunement, j’ai tourné la page.

– Y compris celle d’Hendrix ?

– C’était il y a si longtemps et ça s’est mal terminé. En 1966, j’avais quinze ans quand j’ai intégré à New York Jimmy James and the Blue Flames, le premier groupe de Jimi. C’est lui qui m’a appris le métier et j’ai cultivé son héritage sans jamais le plagier. Mais quand il a décidé de partir en Angleterre, mes parents ont refusé que je le suive et je ne suis jamais devenu un membre du Jimi Hendrix Experience. J’y ai quand même récolté un nom. Pour ne pas me confondre avec un autre musicien que l’on appelait Randy Texas, je suis devenu Randy California. Ça m’est resté. Avec mon premier beau-père Ed Cassidy j’ai fondé Spirit qui a plutôt bien fonctionné. Mais j’ai aussi vécu les déboires des groupes de rock de l’époque. Sexe, drogues et rock’n’roll, j’y suis passé ! Les disputes, les arnaques, les séparations puis reformations, j’ai tout connu. En 72, j’ai remplacé Ritchie Blackmore dans Deep Purple pour quelques concerts au Québec, mais ils ne m’ont pas gardé. Nous aurions dû jouer à Woodstock, mais ça ne s’est pas fait et quand j’ai triomphé au festival de Glastonbury, c’est le groupe électrogène qui a claqué, le batteur a fait un solo de batterie non amplifié pendant vingt minutes et on a fini ridiculisés. Ensuite il y a eu l’affaire Stairway to Heaven qui m’a profondément affecté. Je n’ai jamais réussi à convaincre Jimmy Page de reconnaître qu’il m’avait piqué le riff de Taurus sur le premier disque de Spirit. Pourtant on avait plusieurs fois partagé la scène avec Led Zeppelin, il ne pouvait pas ne pas nous avoir écouté. Ça s’est terminé devant les tribunaux, mais j’ai perdu. Vous voyez, il n’y a rien à regretter. À la fin des années quatre-vingt, je me suis embarqué dans la tournée Night of the Guitars avec Robbie Krieger, Alvin Lee, Leslie West, Steve Howe et d’autres encore dont j’ai oublié le nom. Ce ne fut que bagarre d’ego et j’ai craqué. Il était temps pour moi de disparaître. Dès que j’en ai eu l’occasion, je n’ai pas hésité, j’ai plongé pour ne jamais réapparaitre. Aujourd’hui tous ces souvenirs remontent, je vous les raconte mais j’espère ne pas vous ennuyer.

L’homme n’a visiblement ni remords ni regrets. Il s’est reconstruit en pratiquant la bicyclette et en menant une existence proche de la nature et des cervidés. L’instant est magique, Merci Randy. C’est ma compagne qui a le dernier mot, elle me souffle à l’oreille : Qui sauve un chevreuil, sauve le Rock’n’roll !

Moon The Loon playing air drum.

À lire en écoutant : Spirit, The Family That Plays Together et Twelve Dreams of Dr. Sardonicus.

 
 
 

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