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ANGE DU ROCK N°42 : JIMI HENDRIX

  • Photo du rédacteur: swampfactory
    swampfactory
  • 3 mars 2023
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 mars 2023


Jimi Hendrix guitar gourou teaching.
© swampfactory@hotmail.com

« Comment m’avez-vous trouvé ? Qui vous a dit où j’habitais ? »


Lui avouer que c’est grâce à une bd que je l’ai retrouvé m’a semblé un peu trop compliqué, j’ai donc simplifié !


L’aventure avait en effet débuté au festival international de bande dessinée d’Angoulême, là où j’avais rencontré un certain Pascal Mesenburg, alias Mezzo, dessinateur hors pair, rockeur de cœur et auteur avec Jean-Michel Dupont de Love in Vain, un chouette album qui conte la vie du bluesman Robert Johnson. Bref un gars ouvert qui ne pouvait que me plaire. Il m’avait donné rendez-vous un mois plus tard dans son Drancy natal pour me parler de son nouveau projet : dessiner la vie de Jimi Hendrix.


C’est dans un kebab de l’avenue Marceau qu’il m’annonça ce que personne ne pouvait imaginer : Hendrix vivait et il savait où le trouver : « Un jour du côté d’Étampes dans un club moitié rock moitié échangiste, j’ai assisté au concert d’un groupe british dont j’ai oublié le nom. A la dernière minute le gratteux d’origine avait été remplacé par un certain Bernie Tormé. C’est un guitariste expérimenté qui au sein du groupe Gillan a réussi l’exploit de faire oublier Ritchie Blackmore, le génie maussade de Deep Purple avec qui Ian Gillan a longtemps collaboré. Son style flamboyant rappelle effectivement celui du Voodoo Chile. Ce soir-là Bernie se vanta d’avoir pris des leçons chez Jimi l’année passée. Il n’avait pas hésité à me donner l’adresse complète tant convoitée. Une seule consigne, ne pas dire que c’était lui qui m’avait rencardé… Il semblait dire la vérité : « Tout le monde croit Hendrix définitivement enterré à Renton dans la banlieue de Seattle mais il a passé la frontière et c’est à Surrey au sud de Vancouver que l’on peut le trouver. » Par prudence et pour ne pas passer pour un illuminé, (Jimi vivant ? N’importe quoi !), j’ai disséminé quelques indices dans Kiss The Sky mon album sur Hendrix. Pages 22 et 46, j’insinue que c’est à Vancouver au Canada qu’il faut le chercher ».


Fort de ces révélations, je laissai Mezzo retourner à sa planche à dessin pour préparer le deuxième volet des exploits de notre guitariste préféré et m’embarquai pour la Colombie-Britannique avec l’espoir de rencontrer le génie de la six-cordes soi-disant décédé le 18 septembre 1970 à l’âge de vingt-sept ans.

J’avoue avoir éprouvé un grand moment de solitude quand je lus sur la plaque à l’entrée d’un immeuble ordinaire : « Johnny Allen Hendrix : Guitar lessons ». C’est son vrai nom et je n’avais plus qu’à sonner. Mais le doute m’envahit : et si Bernie Tormé ou pire encore Mezzo m’avait abusé ? Pourtant quand le carillon sonna, j’entendis aussitôt une voix étrangement familière : « C’est pour quoi ?


– Je viens pour prendre des leçons de guitare.


– Droitier ou gaucher ?


– Gaucher ! Je m’appelle Pat Lefty Hand et je viens pour me perfectionner. » Surpris par la question, sans réfléchir j’avais repris le patronyme de mon copain Paco. Lui était vraiment gaucher et jouait comme Hendrix avec une guitare de droitier et les cordes inversées. Instinctivement, ça me sembla être un bon argument, une sorte de code pour être accepté. « Je ne veux pas vous déranger, simplement prendre rendez-vous et me présenter. »


La porte s’ouvrit et je fus autorisé à pénétrer l’antre de notre légende qui avait désormais l’allure d’un vieil hippie désossé, pieds nus, muni d’une épaisse paire de lunettes plantée sur le nez, avec des tifs gris parsemés, des bracelets, des colliers, des colifichets, le tout sur une tunique indienne dépenaillée. L’entrée donnait sur une pièce où trainaient deux minuscules amplis, une guitare Squier imitation Stratocaster montée avec des cordes « à l’envers » et aucune pédale d’effet. C’est là que monsieur Hendrix recevait ses élèves qui devaient d’abord se déchausser puis s’assoir au ras du sol sur des vieux cousins usés. « Je ne veux aucune publicité. Si vous suivez mes cours vous devez m’appeler Johnny et ne jamais évoquer mon passé. Mais avant je veux savoir qui m’a trahi ? Comment m’avez-vous trouvé ? Qui vous a dit où j’habitais ? » me dit-il sur un ton méchant, d’un gars à qui on ne le fait pas et qu’il ne faut pas baratiner.

Je décidai de passer sous silence le trop sympa Mezzo et je balançai le nom de Bernie Tormé pour lequel je ne craignais plus grand-chose, puisque je savais qu’il était récemment décédé.


Hendrix me regarda par-dessus ses lorgnons et me sourit laissant voir une dentition parsemée.


« Voilà ce qui arrive quand on parle trop. Tous ceux qui sont passés par ici ont un contrat moral. Ils ne doivent rien divulguer de mes aventures d’antan et de mon existence depuis ma pseudo disparition. Ceux qui ont parlé sont tous morts et enterrés. Le premier à cafter fut Noel Redding et franchement, je ne vais pas le regretter. Rory Gallagher a lui aussi trop causé mais ça ne lui a pas porté chance ! Dommage, j’ai souvent dit que c’était le plus grand. Je le pense vraiment, pourtant un soir d’ivresse il m’a trahi et ne s’en est jamais remis. Pareil pour Johnny Winter et Stevie Ray Vaughan. Je les avais beaucoup aidés mais ils ont fini par me dénoncer et regarde ce qu’il leur est arrivé. Début 1970 je devais enregistrer avec Gil Evans pour une fusion façon Miles Davis. Quand j’ai disparu des écrans, il m’a remplacé par un jazzman nommé John Abercrombie. Gil m’avait demandé de le briefer, je le recevais régulièrement en catimini et je crois lui avoir beaucoup appris. Plus tard, il s’est targué de m’avoir fréquenté à une époque où j’étais officiellement décédé. Un an plus tard, il était crevé. Je ne veux pas qu’on parle de moi au présent. Je vends bien plus de disques aujourd’hui que de mon vivant et si ma famille oublie trop souvent de m’envoyer mes gains, je suis à l’abri du besoin. Tout ça pour dire, si j’enseigne la gratte à des jeunots méritants et si vous suivez mon enseignement, interdiction de vous en vanter. Notre collaboration doit rester secrète. Si vous n’êtes pas capable de tenir votre langue vous savez ce que vous risquez. J’ai des origines cherokees, pour nous un serment est sacré. »


Envouté par ce déballage captivant, j’osai lui demander : « Avez-vous des élèves qui n’ont jamais rien révélé ?

– Bien sûr ! Clapton, Beck, Santana à qui j’aurais bien piqué les percussions et McCartney avec qui j’ai beaucoup échangé vu qu’il est gaucher, Keith Richards aussi que j’ai rencontré grâce à Brian Jones et qui devrait revenir me voir, bien que vu ses problèmes d’arthrose, je ne suis pas certain de pouvoir l’aider. John McLaughlin m’a autant appris que ce que je lui ai apporté. On devait jouer ensemble à New York, pour un artiste français nommé Ferré. Lui y a été, moi j’ai déclaré forfait. Tous savent où me trouver mais ils ne m’ont jamais balancé. Un des rares guitaristes que je n’ai jamais reçu est Pete Townshend des Who. Peut-être est-il trop fier pour avouer que je l’ai influencé. En tout cas, moi je reconnais qu’il m’a beaucoup inspiré dans sa façon de fracasser les guitares et de faire siffler les amplis. Certains sont morts sans jamais avouer que j’avais été leur maître à jouer. Zappa, probablement mon plus brillant disciple a rapidement dépassé le professeur que j’étais et Terry Kath est l’un des musiciens que j’ai le plus admiré. J’ai vu son groupe Chicago en 1971 au Carnegie Hall. J’étais dans la foule incognito. J’ai beaucoup apprécié les cuivres et ce guitariste était extraordinaire avec une rigueur dans ses rythmiques que je n’ai jamais eue et une folie dans ses chorus qui me ressemblaient puisqu’il était passé par mes conseils en doigtés. Encore un qui a mal tourné mais je n’y suis pour rien, puisqu’il s’est flingué dans une partie de roulette russe improvisée. Après ce drame le groupe s’est beaucoup calmé. Il y a peu, j’ai eu des nouvelles de Randy California. C’est moi qui lui ai trouvé son surnom. On m’a dit qu’il vivait avec un chevreuil… Je n’ai pas compris, je le croyais décédé. N’empêche à seize ans il était déjà tellement doué que je l’avais engagé dans mon groupe Jimmy James & the Blue Flames. Quand j’ai décidé de partir en Angleterre pour fonder The Experience, ses parents ont refusé qu’il m’accompagne. Je lui ai appris quelques plans qu’il a ensuite beaucoup utilisés. Mais mon meilleur élève reste Robin Trower. On lui a beaucoup reproché de m’avoir tout piqué. Faux, cet anglais a un truc à lui et si dans ses morceaux je reconnais ma patte, il a réussi à créer un style bien à lui. En tournée dans le coin, il est passé récemment me voir et nous avons jammé. Problème, il est devenu dur d’oreille et joue bien trop fort. Il a réveillé tout l’immeuble et je me suis fait engueuler. Il n’empêche son disque live de 76 reste un de mes albums préférés que je recommande toujours à mes élèves qui veulent décoller. Encore un parfait gentleman qui a su rester discret. Ce n’est pas comme un certain Yngwie Malmsteen, un suédois. Il est venu me voir pour m’expliquer comment il fallait jouer. C’est un crétin qui ne m’en a pas laisser placer une et pourtant avec un médiator dieu sait que je peux être bavard. J’ai aussi reçu la visite d’un allemand. Je me demande encore comment il a su où je créchais. Il se nomme Uli Jon Roth ou quelque chose comme ça. Il m’a dit que dans son pays, on le surnomme le Hendrix germanique. Dans les années soixante-dix il était tellement fou de moi qu’il a quitté son groupe les Scorpions pour une carrière solo placée sous le signe du soleil électrique… Il a même poussé le vice jusqu’à épouser ma dernière petite amie une certaine Monika Danemann, une patineuse artistique que j’avais draguée et aussitôt larguée. Ce sont des dingues comme ça qui m’ont convaincu de me retirer. Quand les fans deviennent trop fanatiques, je préfère partir me cacher. »


Fasciné, j’intervins prudemment : « C’est l’époque où vous enregistrez The Cry of Love, votre dernier chef d’œuvre, mon album préféré.


– Effectivement, sauf que je n’ai pas pu le terminer, c’est Eddie Kramer et Mitch Mitchell qui l’ont finalisé. Je préfère cette première version plutôt que celle sortie plus tard sous le titre bêtement psyché de First Rays of the New Rising Sun que mes ayant-droits ont publié une fois de plus pour se gaver. Mais au fait, tu n'es pas venu pour m’interviewer !»


Quand j’avais sonné, Jimi était apparu tellement méfiant que je crus bien qu’il allait me jeter, mais une heure plus tard, tous deux enveloppés dans une étrange fumée, son ton était désormais si cool que je restais baba devant tant de gentillesse. Cet homme avait su tourner la page de ses excès et survécu à tous les pièges de la célébrité.


Pour me fixer un rendez-vous, il alla chercher son agenda : « Pas dispo la semaine prochaine, je reçois en stage intensif une certaine Erja Lyytinen qui débarque de sa Finlande natale pour se perfectionner. Elle connaît le blues et toutes mes idoles sur le bout des ongles plus tous ceux avec qui j’ai débuté : T-Bone Walker, les trois King, Elvis, Little Richard, Sam Cooke, Ike Turner, Curtis Knight et Curtis Mayfield et d’autres encore que j’ai oubliés. Mais elle se trouve trop sage. Elle m’a dit qu’elle voulait s’encanailler et mettre le feu à son jeu de guitare. Je peux l’aider, ça me connaît. »


Ok pour se revoir. Le rendez-vous est pris pour la semaine d’après, mais quand je reprends la route, mon âme est lourde de tous ces mensonges inventés. La confusion me gagne et les regrets pointent leur nez. Comment vais-je pouvoir lui avouer que je ne suis ni guitariste, ni gaucher ?

Hendrix squier stratocaster burning.

À lire en écoutant : Jimi Hendrix, The Cry of Love.

 
 
 

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