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ANGE DU ROCK N°44 : JEFF BECK

  • Photo du rédacteur: Patrice Villatte
    Patrice Villatte
  • 31 mars 2023
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 oct. 2023


Jeff Beck kidnapped.
© swampfactory@hotmail.com

À l’évidence c’était une bouteille à la mer, un appel au secours caché à l’intérieur du disque vinyle de Help des Beatles. Dans une brocante je venais de ré-acheter pour quelques pièces ce classique absolu pour cause d’usure résultant d’écoutes mille fois répétées et je tombai sur ce message gribouillé au stylo rouge sur un bout de papier :

« Help, I need somebody Help, not just anybody Help, you know I need someone, Help ! Nous sommes le 15 janvier 2023, je suis toujours kidnappé, enfermé dans une prison, pitié venez me libérer ! J’ai surpris mes geôliers en train de parler, voici l’adresse où je suis séquestré : 42 avenue du Général Leclerc, le Plessis-Trévise, France. J.B. »

Étrange message, que beaucoup ne prendraient pas au sérieux. Mais ce genre de mystère peut m’empêcher de dormir pour toute une éternité et vu mes problèmes d’insomnie, je n’ai pas besoin de ça. Je connais cette banlieue, pourquoi ne pas y passer, sait-on jamais ? Peut-être apprendrais-je comment cet appel à l’aide s’est retrouvé dans un disque de l’un de mes groupes préférés ?


Et me voici tel un détective privé en planque, enfoncé dans mon siège auto, tous feux éteints à attendre je ne sais quoi. Au 42, une enseigne plutôt passée indique : Garage Ma Pie, Carrosserie, Entretien, Réparation, Toutes Marques. La nuit est tombée, je somnole en regrettant le sandwich auquel les flics ont droit dans les films policiers. Le temps passe ainsi jusqu’à ce que vers 1 heure du matin je sois brusquement sorti de ma torpeur par l’arrivée d’une dizaine de femmes. Visiblement elles reviennent d’une manifestation avec pancartes et banderoles à moins qu’elles n’aient participé à un commando du collectif collages féministes. Effectivement des coffres de voitures sortent seaux de peinture, gros pinceaux et colles fortes. Serviable de nature, je suis à deux doigts de sortir de mon véhicule pour leur donner un coup de main. Il faut dire que je suis plutôt en accord avec leur combat, mais je me ravise ayant peur d’être reçu comme un mâle intrusif et réac. Ces dames n’ont pas besoin de moi. Elles disparaissent dans le pavillon adjacent, laissant derrière elles le portail ouvert, lequel ouvre sur une cour donnant au fond sur le garage annoncé. Sorti de ma voiture, je traine devant l’entrée hésitant à m’aventurer plus loin dans ce qui demeure une propriété privée. Pourtant une étrange mélopée, un chant lugubre et affligé venant de l’intérieur attise ma curiosité. Tel un chat affuté je pénètre dans la cour, me dirigeant vers ce cri étouffé. Derrière le volet roulant baissé du hangar je perçois maintenant nettement une voix qui fredonne tristement : « help, I need somebody… »

Tout à coup un projecteur illumine tout le bâtiment et deux femmes en surgissent soudainement. En treillis, armées de gourdins, elles s’installent sur un banc qui bloquent toute retraite possible vers la rue voisine. Je comprends qu’elles sont là pour veiller sur je ne sais quel secret bien gardé. Pour ne pas me faire repérer, je tente d’ouvrir la porte de ce qui semble être le bureau d’accueil des clients. Ouf ! C’est ouvert, je peux rentrer. Me voici dans le noir attiré par cette mélodie plaintive, triste à pleurer. Mes yeux s’habituant à l’obscurité, j’aperçois l’accès vers l’atelier et devine au milieu des voitures, des machines et des outils dispersés, la fosse d’où l’on peut accéder au dessous des véhicules à réparer. C’est de là que provient le chant qui subitement s’arrête laissant place à une voix d’homme : « Help, I need help ! » Au fond du trou, je distingue une petite trappe fermée à clé. Avec un tournevis qui traine, il m’est très facile de la forcer. Plié en deux, je pénètre alors dans une sorte de cellule mi cave à vin, mi abri antiatomique et tombe nez à nez avec J.B. le prisonnier. Il ne me faut pas longtemps pour l’identifier : c’est Jeff Beck le guitariste, le héros de la six-cordes, récemment disparu. Passablement ému, il me tombe dans les bras, prêt à pleurer.

« Enfin ! Êtes-vous là pour me libérer ?

– Euh, je vais essayer ! »


Rapidement je réfléchis à cette situation à laquelle je ne suis pas préparé. Vu l’état de Jeff, il a soixante-dix-huit ans et son incarcération l’a visiblement beaucoup fragilisé, je ne me vois pas forcer le passage avec les deux matrones suréquipées. Comprenant la situation Jeff me murmure : « Mes gardiennes sont très bavardes, mais au petit matin, fatiguées, elles somnolent et c’est à cette heure-là que nous pourrons nous enfuir. Je vous en prie en attendant parlons pour ne pas nous endormir.

– Ok ! Que faites-vous dans ce cul de basse fosse ?

– Le 12 novembre dernier, j’étais en concert avec Johnny Deep au Grand Sierra Resort & Casino à Reno au Nevada. Tout se passait bien, même s’il me fallait supporter le coté diva de Johnny. Avec Rod Stewart et Mick Jagger, j’en ai fréquenté des mecs poseurs mais lui bat tous les records. Quel frimeur et question guitare… Enfin, ce n’est pas le sujet. À la fin du spectacle, dans les coulisses, j’ai été enlevé, menotté et drogué pour m’empêcher de résister. Je me suis retrouvé embarqué dans un fourgon vers une destination inconnue. Chose étrange, aveuglé par une cagoule, je n’entendais que des voix féminines. J’ai vite compris. Il s’agit d’un groupe de filles remontées contre le patriarcat, qui voulait s’en prendre à monsieur Deep. Sauf qu’elles se sont trompées et c’est moi qu’elles ont enlevé. Quand elles ont découvert que je n’étais pas l’homme visé, c’était trop tard, le mal était fait. On m’avait confondu avec une star de ciné !

En kidnappant Johnny, elles voulaient faire pression sur cette célébrité qui, depuis que sa vie privée a été déballée au cours de son procès avec Amber Heard, s’est révélé ne pas être une très belle personne. À l’époque je ne le savais pas ou plutôt je ne voulais pas le savoir. Je l’ai rencontré par l’intermédiaire de Joe Perry et des Hollywood Vampires le super groupe qu’ils ont monté avec Alice Cooper. Bon, c’est vrai avec ces gars-là j’aurais dû me méfier mais on raconte tellement de choses sur les réseaux que j’avais décidé de ne pas m’en mêler. Avec Johnny Deep on a enregistré un album de bric et de broc avec un tas de reprises sympas puis on est parti en tournée. Je ne m’intéressais pas à son intimité. Je savais bien sûr qu’il ne laissait pas la gente féminine indifférente mais on était là pour jouer de la musique sans arrière-pensée. Moi qui ne me suis marié que deux fois, qui bien souvent préfère l’atelier à la chambre à coucher et qui a toujours soutenu les artistes féminines comme Jennifer Batten, Tal Wilkenfeid, Rhonda Smith, Imelda May, Beth Hart et d’autres encore, être confondu avec ce prédateur, quelle misère ! C’est trop injuste. Après plusieurs jours séquestrés dans une pièce sans lumière, j’ai été transféré en petit avion privé au Mexique puis dans un navire porte conteneur. Mes kidnappeuses qui ne savaient que faire de moi mais qui ne pouvaient pas revenir en arrière, m’ont fait traverser l’Atlantique, un cauchemar qui a duré des semaines pour ensuite me retrouver, ironie du sort, détenu au fond d’un garage.


Au début je dormais dans le bureau mais depuis quelques jours elles m’ont enfermé dans ce trou avec interdiction de toucher au stock de bouteilles impeccablement alignées. Heureusement je suis bien nourri, la personne qui s’occupe de la cuisine est un véritable cordon bleu. Son mari, le tôlier est très sympa avec moi. C’est lui le mécanicien de la maison. De temps en temps quand les nanas me font sortir, je l’aide à réparer une Jaguar E-Type version roadster vu que c’est aussi un peu mon métier. C’est lors de ces sorties que j’ai pu glisser mon message dans une pile de vieux vinyles qui trainait. J’avais compris qu’il voulait sans débarrasser. Quand les cerbères à jupette relâchent leur surveillance, on en profite pour discuter musique. La cuisinière et son chéri m’ont vu plusieurs fois sur scène et apprécient ma musique. Je leur ai raconté mes débuts avec les Yardbirds quand j’ai remplacé Clapton. Ils étaient sur le cul, ils n’en avaient jamais entendu parler. Ils ne connaissent pas non plus mes deux albums avec Sir Stewart et Ron Wood... Ils étaient très surpris quand je leur ai dit que ma période préférée était celle du Jeff Beck Group, le disque à l’orange comme ils l’appellent, avec Cozy Powell, un excellent batteur avec qui j’ai aussi partagé la passion de la mécanique. Je me demande ce qu’il est devenu… Avec Bobby Tench, le meilleur chanteur avec qui j’ai bossé et Max Middleton aux claviers, on faisait une sacrée équipe. Je n’aurais jamais dû les quitter ou plutôt j’aurais dû les suivre quand ils ont fondé Hummingbird, un groupe génial mais oublié. Au lieu de ça, j’ai trainé avec Tim Bogert et Carmine Appice pour un trio raté. À la même époque, j’ai composé Superstition avec Stevie Wonder, et là je ne me suis pas loupé même si ça ne m’a pas beaucoup rapporté.

Mon gentil couple m’a aussi interrogé sur ma période jazz rock. J’ai vite compris que mon côté jazz les avaient moins excités que les piercings sur les tétons de Terry Bozzio.... Je me demande si je ne suis pas touché par le syndrome de Stockholm mais ces gens me sont de plus en plus sympathiques. Peut-être sont-ils eux-mêmes atteints du syndrome de Lima. Pour des preneurs d’otage, ils font preuve de beaucoup d’empathie pour le vieux guitariste que je suis. Sont-ils du côté des féministes ou du côté du rock’n’roll ? Le reste de la troupe est plus radical mais moi je suis prêt à les pardonner. La cause est juste, ces femmes ne sont pas méchantes, elles veulent simplement se faire entendre. Si je m’en sors, je ferai comme Hendrix, j’irai me planquer ! »

Le temps a passé, le petit matin est en train de se lever et effectivement, les geôlières semblent désormais ronfler. Jeff Beck s’accroche à moi et très silencieusement nous sortons du garage par où je suis entré. À pas de loup nous longeons le mur de la cour et furtivement, sur la pointe des pieds nous atteignons le porche de l’entrée. À ce moment, les deux sentinelles armées vautrées l’une sur l’autre semblent se réveiller ! Non, il s’agit simplement d’un sommeil agité. La voie est libre. C’est à ce moment-là que je remarque que les cheveux de Beck sont tous blancs. Sa dernière coloration est depuis longtemps passée à moins que cela ne soit l’effroi d’avoir été fait prisonnier. Pas grave, Jeff Beck est libéré !

FREE JEFF BECK!

À lire en écoutant : Jeff Beck, Rough and Ready & Jeff Beck Group

 
 
 

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