ANGES DU ROCK N°28 : DEUX EXTRATERRESTRES : PAUL RAYMOND ET PETE WAY
- swampfactory
- 27 mai 2022
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 mai 2022

Part I : Made in Japan !
Ce voyage est un pèlerinage ! 10 ans après, je reviens sur la trace de nos exploits ou plutôt de nos forfaits… En 2009 les Shaggy Dogs se sont envolés pour une série de concerts au Japon et j’y étais. Que de souvenirs ! Après avoir survolé de nuit la Sibérie, nous avions atterri à l’aéroport international de Haneda. Deux heures plus tard, nous nous retrouvions au carrefour Hachiko au cœur du quartier Shibuya où chaque jour plus de deux millions de personnes traversent la place sous la surveillance de trois écrans géants déversant leur flot de publicités. Notre aventure nippone débutait. Sauf que le temps a passé et aujourd’hui je ne retrouve rien des lieux où nous avions joué. Les adresses japonaises ne mentionnent pas le nom des rues et de plus lors de notre périple, je m’étais laissé tranquillement guidé. Les japonais sont charmants mais ils n’ont qu’un seul défaut, ils parlent japonais. On doit donc se débrouiller. Où sont les endroits que nous avions fréquentés ? Le premier soir nous avions joué à trois heures du mat dans une salle en sous-sol derrière un groupe jap qui ne reprenait que du France Gall en version punk façon Ramones : « One Two Three, je suis une poupée de cire, Yeah !!! », en français dans le texte… Ils avaient un look d’enfer et nous, nous étions défoncés par un Jet Lag auquel nous n’étions pas préparés. À l’origine de ce périple, je me souviens qu’un label local nous avait demandé de faire figurer un de nos morceaux sur l’une de ses compilations rock’n’roll dont il avait le secret. Il nous avait ensuite convaincu de venir jouer au club Doctor spécialisé dans le Pub-Rock façon Dr Feelgood, le fameux groupe anglais qui nous avait tant inspiré. Le proprio nous avait vendu comme le meilleur groupe français de ce genre musical qui le passionnait. Je me rappelle aussi de ce club situé au 10e étage qui dominait la ville illuminée et de ses loges où nous nous étions entassés avant de monter sur une scène exiguë mais impeccablement sonorisée. Le dernier soir nous avions été pris en main par des rockers locaux pour un concert dans la ville voisine de Yokohama. Les gars étaient jeunes et sympas et nous avions eu le temps de nous balader sur le port avant d’aller jouer. Partout l’accueil avait été chaleureux. Je n’avais dormi que seize heures durant tout le séjour. J’en étais sorti épuisé mais décidé à revenir un jour dans ce lieu si dépaysant. Ce jour est donc arrivé sauf que je ne reconnais rien. Impossible de localiser le petit hôtel dans ce quartier paisible où jadis nous bûmes du thé au gout d’épinard et fîmes les cons habillés en kimonos dans les couloirs de cette pension familiale respectable. Plutôt dépité, je me retrouve seul, perdu dans cette mégalopole à la recherche de sensations passées.
Part II : Strangers in the night ! N’ayant pas retrouvé les restaus que l’on nous avait recommandés, je m’engouffre dans un de ces endroits où l’on peut manger des sushis en libre-service et à volonté devant un tapis roulant. Avec mon blues et mes pensées me voici assis dans un Kaiten-Zushi au cœur de la cité. C’est sur ma droite qu’ils se sont installés sans faire attention aux clients interloqués qui les ont aussitôt dévisagés. Comment ne pas les remarquer ? Le premier est Pete Way, un grand échalas dégingandé habillé d’une veste peau de panthère et de foulards bariolés. Le second est Paul Raymond en cuir noir et pantalons serrés. Les deux oiseaux ont le cheveu long façon Glam Rock ébouriffé dans un style branché années soixante-dix mais désormais quelque peu daté. Bien sûr, ils ont vieilli mais ont gardé un panache de rock and rollers sauvages et indomptés. Les deux lascars ont fait les grandes heures du groupe de hard-rock anglais UFO. Pete en fut longtemps le bassiste et l’un des membres fondateurs. C’était à Londres en 1969. Depuis je pensais qu’il était décédé suite à une vie d’excès en tous genres qui lui avait laissé entre-autre, un foie en bien mauvais état. Paul les avait rejoints en 1977 après avoir accompagné deux groupes majeurs du blues boom anglais, Chicken Shack, puis Savoy Brown. Dans UFO, il y tint les claviers et la guitare rythmique, y resta quelques années puis quitta le vaisseau, revint pour ensuite ne jamais cesser de faire des allers-retours entre UFO et sa carrière solo. La presse spécialisée l’avait aussi annoncé mort et enterré. D’où ma stupéfaction de retrouver ces deux héros d’un de mes groupes préférés, bien vivants avec des silhouettes de jeunes hommes mais des visages salement ravagés. Je ne veux rien louper. Le plus discrètement possible je tends l’oreille.
Part III : Tokyo Tapes ! Pete : J’ai fait comme toi Paul, je me suis trouvé une gentille japonaise et depuis que je suis installé à Tokyo, je vais mieux et j’ai des projets. De plus je n’ai pas oublié que c’est ici que nous avons connu nos premiers succès. Paul : C’est vrai, le Japon a toujours été accueillant pour des gars comme nous. Ça reste d’ailleurs une énigme que je n’ai jamais élucidée. Je pensais plutôt qu’avec nos tronches, on risquait de les terroriser… Mais ne me dis pas que tu veux remonter un groupe ? Moi j’en ai définitivement soupé. Pete : Tu sais parfaitement que vivre au service du rock est un sacerdoce qui ne peut prendre fin que les deux pieds dans la tombe. Nous avons réussi toi et moi à survivre à deux des plus grands enfoirés du rock’n’roll circus mais notre histoire n’est pas terminée. Paul : tu penses à Phil Mogg ? C’est lui l’âme de UFO, le gardien du temple. En cinquante ans il n’a rien cédé et a réussi à maintenir le bateau à flot contre vents et marrées. Si je compte bien, le groupe a sorti vingt-deux albums plus les projets annexes, les live pirates et les compilations. Tu sais qu’il tourne toujours et quand j’ai annoncé mes ennuis de santé, sans état d’âme, il m’a aussitôt remplacé. Phil est un type autoritaire, un gars déterminé mais c’est aussi un des meilleurs chanteurs sur le marché. Pete : On a du aussi supporter Michael Schenker. À 18 ans il débarquait d’Allemagne, préférant nous rejoindre plutôt que de rester avec les Scorpions de son frangin. Incontestablement ça a été nos meilleures années, mais quel casse-pied ! D’ailleurs, quand il a monté un groupe pour son deuxième album solo, tu en a fais partie mais tu n’es pas resté. Paul : Effectivement ! Michael est revenu dans UFO dans les années 1990, mais là aussi ça n’a pas duré. Heureusement on a trouvé Vinnie Moore pour le remplacer. Enfin un guitar hero plus modeste mais tout aussi doué ! Dans la catégorie pénible, on a aussi récupéré Jason Bonham à la batterie qui lui aussi ne s’est pas éternisé. J’ai bien connu son père, il était meilleur batteur mais tout aussi con. UFO fut dès le début une pépinière de talent où de nombreux musiciens ont défilé. Certains se sont amusés à faire l’arbre généalogique du groupe. C’est fou le nombre d’extra-terrestres et d’allumés qu’on a pu attirer. Mais pour moi, c’est de l’histoire passée. Pete : Allez ! J’ai besoin de toi. Je veux remonter Waysted dans sa formation originale. Le premier album était super. Ne me dis pas que tu as oublié. Paul : Je n’ai rien oublié et surtout pas tes excès qui ont tout bousillé. Pete : Bon d’accord j’ai déconné, mais j’ai changé. Et si on reformait Damage Control ? C’était un super groupe mais il nous manquait un clavier. On ne va pas finir nos carrières sur des albums ratés. Tes dernières productions ressemblaient plus à des demos bricolées indignes de ton passé. Paul : Et toi avec tes disques persos où tu t’es mis à chanter ou plutôt à beugler ! Phil Mogg ne t’a donc rien appris ? Vous avez fait deux albums sous votre nom qui étaient plutôt réussis et une fois de plus tu as tout gâché ! Je comprends qu’il t’ait renvoyé. Pete : Il ne m’a pas viré, je suis parti de mon plein gré. Paul : De toute façon je ne veux plus rien avoir à faire avec le heavy. Je joue du rock, pas du métal. Je suis pianiste, pas sidérurgiste.
Pete : OK, Ok ! Et bien reformons ton premier group pop sixties les fameux Plastic Penny. Tu pourras chanter tout ton saoul et je serais derrière, gentil et bien coiffé. Paul : T’es sérieux ? Tu te moques de moi ? Non, il faut savoir arrêter. Ne donne pas raison à ceux qui veulent euthanasier les vieux rockers, j’ai mérité ma retraite loin de tout ce cirque et de ces énergumènes que j’ai trop longtemps fréquentés. Patron, l’addition ! Il est temps de rentrer se coucher.
Conclusion :
Depuis qu’ils se sont installés à côté de moi dans ce restau, je n’ai pas bougé, mangeant l’air de rien mes sushis. Je n’ai pas pu faire autrement que de les écouter même si ma mère aurait trouvé ça mal élevé. J’ai vite constaté que le ton était monté. Les deux copains d’hier, contents de se retrouver s’étaient transformés en deux coqs prêts à se bagarrer. Ce qui n’a pas manquer d’arriver, quand Pete énervé et éméché par le saké ingurgité pendant toute la soirée a fini par bousculer Paul. Celui-ci a réagi en balançant son verre à la gueule de son coéquipier. Aussitôt Pete lui a décroché une droite que Paul a évitée. Plus agile et moins soul, il s’est levé, a attrapé une chaise et l’a explosée sur la tête de son vieux camarade. Le bassiste s’est effondré au milieu des clients abasourdis qui s’étaient prudemment écartés. Paul a alors réenfilé son blouson et est sorti visiblement… fâché.
Spécial dédicace : aux Shaggy Dogs d’aujourd’hui et de demain.

À lire en écoutant : Tout UFO, Waysted, MSG, Mogg/Way, Damage Control mais surtout pas les galettes solos de misters Way et Raymond…
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